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10 février 2012

Sarkozy et De Gaulle: deux visions différentes de l'usage du référendum

Que propose Nicolas Sarkozy?

Dans un entretien au Figaro Magazine, Nicolas Sarkozy envisage, s'il est candidat puis réélu, deux référendums:

  • sur le système d'indemnisation du chômage (passé un délai "de quelques mois", formation qualifiante obligatoire puis obligation d'accepter la première offre d'emploi correspondante)
  • sur la juridiction compétente s'agissant du droit des étrangers (Nicolas Sarkozy souhaite qu'il s'agisse de la justice administrative et non de la justice judiciaire)

Il ne s'agirait constitutionnellement pas du même type de référendum:

  • dans le premier cas, il s'agirait d'un référendum au sens de l'article 11: "Le Président de la République (...) peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et aux services publics qui y concourent ..."
  • dans le second cas, qui nécessite une révision de la Constitution, il s'agirait du référendum au sens de l'article 89: "L'initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République sur proposition du Premier ministre et aux membres du Parlement.  Le projet ou la proposition de révision doit être examiné dans les conditions de délai fixées au troisième alinéa de l'article 42 et voté par les deux assemblées en termes identiques. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum ..."

 

Dans les deux cas, l'usage du référendum n'est toutefois qu'une option:

  • La réforme du système d'indemnisation du chômage "est peut-être l'une des réformes qu'il faudra soumettre au jugement direct des Français", affirme Nicolas Sarkozy. "Si un consensus se dégage parmi les partenaires sociaux, cela ne sera pas nécessaire, précise-t-il. Mais si les intérêts particuliers, les obstacles catégoriels, s'avéraient trop puissants, il faudrait sans doute réfléchir à l'opportunité de s'adresser directement aux Français ..."
  • "C'est un sujet dont on peut débattre", répond-il au sujet du référendum de révision de la Constitution.

 

Quelle est la vision de Nicolas Sarkozy du référendum?

À quatre reprises dans cet entretien Nicolas Sarkozy explique pourquoi il envisage ou non d'organiser des référendums:

  • Il s'agit d'une réforme "capitale pour l'avenir du pays" et qui "concerne directement les Français".
  • "... si les intérêts particuliers, les obstacles catégoriels, s'avéraient trop puissants, il faudrait sans doute réfléchir à l'opportunité de s'adresser directement aux Français pour qu'ils donnent leur opinion sur ce système d'indemnisation du chômage et sur la façon dont on doit considérer le travail et l'assistanat. Je crois que la meilleure façon de surmonter des blocages dans notre société c'est de s'adresser directement au peuple français".
  • À la question de sa non-utilisation de l'outil référendaire durant le présent quinquennat, il explique: "C'est vrai parce qu'en cinq ans, malgré toutes les réformes mises en oeuvre, le pays n'a jamais connu de blocage. Sur les retraites par exemple, il y a eu des manifestations, des protestations, mais la réforme, sans drame et surtout sans violence, a pu être adoptée et appliquée".
  • À la question d'un référendum sur l'école, il répond: "Paradoxalement, je ne le pense pas. Il serait vu comme un moyen de monter une partie de la société contre le monde éducatif. On ne peut faire une réforme de cette nature sans y associer les enseignants".

Une remarque préliminaire: on se demande bien pourquoi un référendum sur l'éducation nationale "serait vu comme un moyen de monter une partie de la société contre le monde éducatif" alors qu'un référendum sur le système d'indemnisation du chômage ne le serait pas "comme un moyen de monter une partie de la société contre les chômeurs" ou un référendum sur le droit des étrangers "comme un moyen de monter une partie de la société contre les étrangers".

Cette petite incohérence s'explique précisément par la vision du référendum qui ressort clairement des propos de Nicolas Sarkozy: un moyen de passer en force en cas d'oppositions à une de ses réformes.

 

Référendum sarkozyste vs référendum gaulliste

Il a suffi que Nicolas Sarkozy prononce le mot "référendum" pour que certains commentateurs fassent aussitôt un parallèle avec Charles de Gaulle.

Il existe cependant au moins deux différences entre la vision sarkozyste et la vision gaulliste du référendum:

 

1) Le "référendum coup de force":

Comme nous l'avons vu, dans la vision sarkozyste le référendum constitue une seconde cartouche pour imposer une réforme en cas d'oppositions.

Or, s'il est certain qu'historiquement le recours au référendum permit accessoirement à Charles de Gaulle de contourner le Parlement (élection du président de la République au suffrage universel direct en 1962, réforme du Sénat et création des régions en 1969), il s'agissait à chaque fois de sa première cartouche.

Pour résumer:

  • Charles de Gaulle se présentait devant le peuple en lui demandant: "Voulez-vous?"
  • Nicolas Sarkozy arriverait devant le peuple en lui disant: "Voulez-vous ce que n'ont pas voulu ces conservateurs (et "pauv'cons"?) de partenaires sociaux?"

 

2) La nature de la question:

Charles de Gaulle s'est exprimés à de nombreuses reprises sur sa vision du référendum. Deux exemples, tirés du tome II de ses Mémoires d'espoir (L'effort, Plon, 1971):

  • "C'est un principe de base de la Ve République et de ma propre doctrine que le peuple français doit trancher lui-même dans ce qui est essentiel à son destin."
  • "Le référendum, enfin, institué comme le premier et le dernier acte de l'œuvre constitutionnelle m'offrirait la possibilité de saisir le peuple français et procurerait à celui-ci la faculté de me donner raison, ou tort, sur un sujet dont son destin allait dépendre pendant des générations."

Bref, il s'agit pour Charles de Gaulle de s'adresser directement au peuple français sur un enjeu capital (d'où une démission du président de la République en cas d'échec).

La réforme du système d'indemnisation du chômage constitue-t-elle un enjeu qui engage le destin de la France et du peuple français? Nicolas Sarkozy semble le penser; personnellement, j'en doute... En tout cas incontestablement beaucoup moins que, par exemple, les traités européens: hier, le traité de Lisbonne, ratifié par le Parlement alors qu'il reprenait l'essentiel du traité constitutionnel européen auparavant rejeté par le peuple français (tiens, justement un référendum!); aujourd'hui, le Pacte budgétaire européen.

Le choix de la juridiction compétente s'agissant du droit des étrangers constitue-t-il un enjeu qui engage le destin de la France et du peuple français? Sans commentaire!

 

Après avoir avili la fonction présidentielle telle que la concevait Charles de Gaulle - en se comportant non pas en chef d'État mais en chef de gouvernement -, c'est maintenant le référendum que Nicolas Sarkozy veut galvauder. Vous avez dit "gaulliste"?

30 novembre 2009

Quand la démocratie dérange...

Après Authueil (sur l'élection du président de la République au suffrage universel direct), c'est au tour de mon confrère Jean Quatremer (sur le référendum) d'attaquer la démocratie :

"Une nouvelle fois la démocratie directe fait la preuve de son extrême dangerosité. En laissant s’exprimer la peur de l'autre, le refus de la rationalité, l'intérêt immédiat, le référendum est décidément un instrument dangereux aux mains des démagogues de tous poils. On comprend mieux pourquoi plusieurs pays démocratiques l'ont tout simplement interdit."

 

Je ne peux que répéter ce que j'ai déjà écrit ici : le principe de la démocratie c'est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. En démocratie, une décision légitime ne peut donc qu'émaner du peuple, directement (référendum) ou indirectement (via l'élection de représentants, au suffrage universel direct ou indirect).

Or, par définition, plus on s'éloigne du suffrage universel direct, plus on s'éloigne de l'idéal de la démocratie. Car en quoi le référendum serait-il davantage "un instrument dangereux aux mains des démagogues de tous poils" que l'élection ? Encore une fois, je vois poindre, depuis Bruxelles, la tentation du despotisme "éclairé"...

 

***

 

Quatremer réagissait au référendum positif, d'initiative populaire, interdisant dans la constitution suisse la construction de minarets.

Plusieurs remarques, en vrac :

- je suis, paradoxalement en apparence, contre le droit d'initiative législative populaire, qui opère pour le coup un glissement entre la démocratie et la dictature de l'opinion/de l'émotion.

- il est halluciant de stigmatiser dans une constitution une religion en posant un interdit architectural : "La construction de minarets est interdite" (nouvel ajout à l'article 72 de la constitution suisse).

- il est tout aussi hallucinant de construire des mosquées (avec ou sans minaret, ce n'est pas le probème) dans un style étranger à un environnement architectural : la question n'est en effet pas de construire des lieux de culte pour l'Islam en France mais de construire des lieux de culte pour les Français de confession musulmane. Idem pour les bouddhistes ou tout autre culte.

 

biollet.jpg
Centre bouddhiste Dhagpo Kundreul Ling Le Bost (Puy-de-Dôme)

24 novembre 2009

Au vote, citoyens !

Via FrédéricLN, je tombe sur un billet d'Authueil (que je découvre à cette occasion avec intérêt). Pour résumer, tout présidentiable relèverait par nature de la "psychiatrie lourde". Et vlan pour De Gaulle, Mitterrand, Lecanuet, Pompidou, Poher, Duclos, Defferre, Rocard, Giscard d'Estaing, Chaban-Delmas, Chirac, Marchais, Barre, Le Pen, Jospin, Balladur, Sarkozy, Royal et Bayrou. Tous dans le même sac ! Tous psychologiquement déséquilibrés !

 

Que propose notre blogueur zinfluent ?

Si on veut que ça change, il faudrait déconcentrer le pouvoir politique, ramener la présidence de la république à un niveau plus modeste. Il faut ensuite limiter au maximum la désignation directe des dirigeants suprêmes par le peuple, au profit d'une sélection indirecte. C'est ce que font tous les pays qui ont une bonne gouvernance : les pouvoirs sont équitablement répartis et le chef est désigné par le parti qui a remporté les élections.

 

Tout d'abord, si l'on retranche par nature les sept monarchies, l'élection présidentielle au suffrage universel direct est majoritaire au sein des vingt républiques que compte l'Union européenne (douze États membres : Autriche, Bulgarie, Chypre, Finlande, France, Irlande, Lituanie, Pologne, Portugal, Roumanie, Slovaquie et Slovénie).

 

Ensuite, le principe de la démocratie c'est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. En démocratie, une décision légitime ne peut donc qu'émaner du peuple, directement (référendum) ou indirectement (élection de représentants, au suffrage universel direct ou indirect). Or, par définition, plus on s'éloigne du suffrage universel direct, plus on s'éloigne de la démocratie.

L'élection présidentielle au suffrage universel direct est en outre l'unique élection (un référendum est une votation et non une élection) au cours de laquelle le peuple vote en un seul et même corps, dont le résultat ne dépend pas de la somme de "487 élections locales", comme disait en 1967 Charles de Gaulle.

Bref, il s'agit de l'élection la plus démocratique possible. Celle à l'occasion de laquelle le paysage politique peut se recomposer et une nouvelle force politique émerger (ce qui était également le cas, avant leur territorialisation, des élections européennes).

Sans oublier que le problème institutionnel aujourd'hui n'est pas celui des pouvoirs du président de la République mais, bien au contraire, celui de la pratique de Nicolas Sarkozy qui se comporte en premier ministre et non en président de la République.

 

Enfin, le blogueur Authueil parle de "gouvernance". Bel aveu ! Car la gouvernance, justement, c'est la notion avancée par l'"élite éclairée" qui souhaite rompre avec le principe d'un gouvernement démocratique afin de renvoyer à ses foyers un peuple qui ne vote pas toujours comme il faut.

À défaut de pouvoir changer de peuple, il s'agit au moins de le désarmer en multipliant les filtres entre le bulletin de vote et la décision politique...

21 octobre 2009

Le nouveau mode de scrutin territorial pour les nuls

Nicolas Sarkozy a confirmé hier la création de conseillers territoriaux, remplaçant les conseillers généraux et les conseillers régionaux. Petit mode d'emploi du mode de scrutin annoncé.

Actuellement, les conseillers généraux sont élus dans le cadre du canton au scrutin majoritaire uninominal à deux tours et les conseillers régionaux au scrutin proportionnel de liste avec sections départementales (et prime majoritaire de 25% des sièges).

En 2014, 80% des conseillers territoriaux devraient être élus dans le cadre du canton au scrutin majoritaire uninominal à un tour et 20% au scrutin proportionnel de liste au niveau du département à partir du total des suffrages des candidats non élus (seuil de 5%).

 

Exemple (afin de simplifier la démonstration, nous avons considéré qu'il s'agit d'une région mono-départementale) : 10 conseillers territoriaux sont à élire, donc 8 au scrutin majoritaire uninominal et 2 au scrutin de liste.

- canton 1

  3 000 voix M. Marxa

15 000 voix M. Repa -> élu (avec 34,9% des suffrages exprimés)

  8 000 voix Mme Centra

12 000 voix M. Liba

  4 000 voix M. Nata

  1 000 voix Mme Raca

- canton 2

  1 000 voix M. Marxe

15 000 voix M. Repe

  5 000 voix Mme Libe

19 000 voix M. Nate -> élu (avec 45,2% des suffrages exprimés)

  2 000 voix M. Race

- canton 3

  8 000 voix M. Repi

12 000 voix Mme Centri

15 000 voix M. Libi -> élu (avec 39,5% des suffrages exprimés)

  3 000 voix M. Nati

- canton 4

  4 000 voix M. Repo

16 000 voix M. Centro

17 000 voix Mme Libo -> élue (avec 43,6% des suffrages exprimés)

  2 000 voix M. Nato

- canton 5

  1 000 voix M. Marxu

  4 000 voix Mme Repu

  8 000 voix Mme Centru

22 000 voix Mme Libu -> élue (avec 57,9% des suffrages exprimés)

  3 000 voix M. Natu

- canton 6

  3 000 voix Mme Repy

18 000 voix Mme Centry -> élue (avec 45,0% des suffrages exprimés)

17 000 voix M. Liby

  2 000 voix Mme Naty

- canton 7

  7 000 voix M. Repon

16 000 voix M. Centron -> élu (avec 40,0% des suffrages exprimés)

15 000 voix Mme Libon

  2 000 voix M. Naton

- canton 8

  4 000 voix M. Marxou

10 000 voix M. Repou

12 000 voix M. Centrou -> élu (avec 27,3% des suffrages exprimés)

  9 000 voix Mme Libou

  8 000 voix Mme Natou

  1 000 voix M. Racou

 

Total élus au scrutin majoritaire uninominal :

- 3 Centr, 3 Lib, 1 Rep, 1 Nat

 

- Voix des candidats non élus (les voix du parti Rac ne sont pas prises en compte pour le scrutin de liste puisqu'il n'a pas présenté de candidats dans au moins la moitié des cantons de la région) :

58 000 voix pour la liste Lib -> 31,2%

51 000 voix pour la liste Rep -> 27,4%

44 000 voix pour la liste Centr -> 23,7%

24 000 voix pour la liste Nat -> 12,9%

  9 000 voix pour la liste Marx -> 4,8%

La liste Marx est éliminée car en-dessous du seuil de 5% des suffrages exprimés.

Répartition proportionnelle au plus fort reste : +1 siège pour le parti Lib + 1 siège pour le parti Rep

 

Conseillers territoriaux : 3 Centr, 4 Lib, 2 Rep, 1 Nat

 

***

Remarques :

- la "fusion" des conseillers généraux et des conseillers régionaux est une bonne idée, que je défends d'ailleurs à titre personnel depuis longtemps.

- le mode de scrutin est original, peut-être un peu trop complexe; son plus gros défaut à mes yeux : que les listes soient formées à l'échelon départemental et non pas à l'échelon régional (de même que je trouve actuellement absurde et surtout incompréhensible pour les électeurs les sections départementales).

- contrairement à ce qui est dit, tous les suffrages ne comptent pas : sont perdus les suffrages des partis ayant présenté des candidats dans moins de la moitié des cantons ainsi que ceux obtenant pour le scrutin de liste (total des suffrages des candidats non élus) moins de 5% au niveau départemental.

07 octobre 2009

Vers une France des baronnies

"Le débat statutaire est terminé en Corse, cette question est désormais tranchée", avait déclaré Nicolas Sarkozy, le 6 juillet 2003, après le "non" des électeurs corses à son projet de collectivité territoriale unique.

Si le débat a été tranché en Corse, il ne l'est apparemment pas en Guyane et en Martinique, où une consultation locale (principe déjà choquant en soi : une telle décision devrait concerner la nation dans son ensemble) sur le passage au régime de spécialité législative et d'autonomie (article 74 de la Constitution) aura finalement lieu le 17 janvier 2010.

Les électeurs de Martinique et de Guadeloupe, régis comme la Guyane par le statut antirépublicain de 2003 (reconnaissance des "populations d'outre-mer" - après avoir échappé en 1991 à celle du "peuple corse" - et régime de l'identité législative de l'article 73 de la Constitution) ont pourtant déjà également dit "non" à la création d'une collectivité unique, le 7 décembre 2003...

Autant on pourrait imaginer pour les conseillers généraux et les conseillers régionaux des DROM un mode de scrutin comparable à celui des conseillers d'arrondissements et des conseillers de Paris, autant tout ce qui va dans le sens d'un statut d'exception ne pourra que renforcer les baronnies politiques ou financières qui pourront ainsi cuire leur petite soupe dans leur petit coin sur le dos de nos concitoyens des territoires concernés.

Bref, il s'agit d'une contre-réforme politique aux antipodes de la révolution économique et sociale dont ont besoin la Guadeloupe, la Guyane et la Martinique.

 

N.B.: le processus sera le suivant

1) consultation le 17 janvier sur le passage au régime de l'article 74 de la Constitution (spécialité législative et autonomie)

2) en cas de victoire du "non", seconde consultation le 24 janvier sur la création d'une collectivité unique (sous le régime actuel de l'article 73)

22 juin 2009

Nicolas Sarkozy devant les parlementaires

Une petite note (à partir de ce que j'ai écrit ce matin dans La Croix), de la salle de presse du congrès du Parlement, à Versailles, en attendant le discours du PR.

 

"Si je suis élu, je rendrai compte chaque année devant le Parlement de l'état d'avancement de mon projet", avait promis le candidat Nicolas Sarkozy durant la campagne présidentielle. Un engagement rendu possible par la révision constitutionelle du 21 juillet 2008 et que l'heureux élu tiendra pour la première fois aujourd'hui. L'exercice est délicat, tant sur sa nature, inédite, que dans le contexte de la crise économique.

Depuis qu'il est à l'Élysée, Nicolas Sarkozy n'a jamais véritablement tranché le sens qu'il entendait donner à la magistrature suprême. "Le président de la République devra demain gouverner", expliquait-il auparavant en estimant qu'il conviendrait un jour de "tirer toutes les conséquences du quinquennat". Un tropisme présidentialiste qui pourrait rapprocher son discours de la déclaration de politique générale d'un premier ministre. Mais cette allocution pourrait également lui fournir l'occasion, à l'inverse, d'endosser le costume de l'"homme de la nation", conformément à la vision gaulliste d'un président de la République non pas chef de la majorité parlementaire mais arbitre au-dessus des partis.

Les grands chantiers (vie après 60 ans, croissance verte, collectivités locales, etc.) que devrait ouvrir Nicolas Sarkozy pour la suite de son quinquennat pourraient trouver d'ici mercredi leur prolongement dans un remaniement ministériel, avec le renforcement du pôle écologiste du gouvernement, la nomination d'un ministre chargé de la réforme territoriale ou encore l'apparition de la ruralité dans l'intitulé des portefeuilles. Autre pôle gouvernemental éventuellement renforcé : les relations avec le Parlement.

Tout en traçant ces "nouveaux horizons" pour la France de l'après-crise, le président de la République ne devrait pas non plus oublier la situation économique, qui frappe maintenant de plein fouet les entreprises, et le chômage, qui touche par conséquent de plus en plus de ménages. Reste à savoir quelles perspectives Nicolas Sarkozy donnera, dans un contexte de déficits publics records, au modèle social français, avec lequel il avait souhaité un moment rompre mais qui a semble-t-il atténué les effets de la crise.

Enfin, le chef de l'État est également attendu sur la question du port du voile islamique intégral. D'autant plus que le promoteur de la "laïcité positive" a récemment soutenu les propos de son homologue américain, Barack Obama, critiquant toute législation sur le port du voile, simple ou intégral. Or, en France, tout signe religieux ostensible (à l'exemple du voile islamique, même simple) est interdit aux agents publics ainsi qu’aux élèves des établissements scolaires publics.

08 avril 2009

Des interventions de Nicolas Sarkozy devront être prises en compte par le CSA

2108869400.jpgLe Conseil d'État a annulé, aujourd'hui, le refus de principe du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) de prendre en compte le temps de parole du président de la République et de ses collaborateurs (qui n'ont effectivement jamais été aussi médiatiquement présents que depuis l'élection de Nicolas Sarkozy).

Contrairement aux conclusions du rapporteur public, Catherine de Salins, le Conseil d'État n'argumente cependant pas autour de l'idée d'une pratique différente entre Nicolas Sarkozy et ses prédécesseurs à l'Élysée depuis 1958.

 

Voici ce que dit, dans sa décision, la haute juridiction administrative :

1. Rappel du principe : "En raison de la place qui, conformément à la tradition républicaine, est celle du chef de l'État dans l'organisation constitutionnelle des pouvoirs publics et des missions qui lui sont conférées notamment par l’article 5 de la Constitution, le président de la République ne s'exprime pas au nom d'un parti". Conséquence de ce principe : "Son temps de parole dans les médias audiovisuels n'a pas à être pris en compte à ce titre".

2. Limite au principe : "Il n'en résulte pas pour autant, compte tenu du rôle qu'il assume depuis l'entrée en vigueur de la Constitution du 4 octobre 1958 dans la définition des orientations politiques de la Nation, que ses interventions et celles de ses collaborateurs puissent être regardées comme étrangères, par principe et sans aucune distinction selon leur contenu et leur contexte, au débat politique national et, par conséquent, à l'appréciation de l'équilibre à rechercher entre les courants d'opinion politiques". Conséquence de cette limite au principe : "Le CSA ne pouvait, sans méconnaître les normes de valeur constitutionnelle qui s'imposent à lui et la mission que lui a confiée le législateur, exclure toute forme de prise en compte de ces interventions dans l'appréciation du respect du pluralisme politique par les médias audiovisuels".

3. Enfin, le Conseil d'État renvoie au CSA pour déterminer lui-même les règles propres à assurer une présentation équilibrée de l'ensemble du débat politique national en prenant en compte certaines interventions du président de la République.

06 avril 2009

Le temps de parole de Nicolas Sarkozy pourrait être pris en compte par le CSA

chrono.jpgLe Conseil d'État est en passe d'entériner la Ve République "bis", conséquence du quinquennat et de la pratique présidentialiste de Nicolas Sarkozy. Le rapporteur public (ex-commissaire du gouvernement) a en effet recommandé à la haute juridiction administrative d'annuler le refus de principe du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) de prendre en compte le temps de parole audiovisuelle du président de la République.

Le CSA veille notamment au respect du pluralisme politique en s'appuyant sur la règle dite des trois tiers : un tiers de temps de parole pour le gouvernement, un tiers pour la majorité parlementaire et un tiers pour l'opposition parlementaire. L'expression du président de la République n'est toutefois pas prise en compte dans ce calcul.

"En raison de la place qui, conformément à la tradition républicaine, est celle du chef de l'État dans l'organisation constitutionnelle des pouvoirs publics, le président de la République ne s'exprime pas au nom d'un parti", avait justifié, en 2005, le Conseil d'État. Cette jurisprudence renvoie à la conception gaulliste du président de la République, "l'Homme de la nation" incarnant "au-dessus des partis" l'existence d'un "arbitrage national".

Or Catherine de Salins, rapporteur public, a estimé, vendredi, devant l'assemblée du contentieux du Conseil d'État, que Nicolas Sarkozy "n'est pas un arbitre, mais un capitaine" (référence au titre d'un ouvrage publié en 1987 par le conseiller d'État Jean Massot). Dorénavant, donc, "la parole du président de la République doit être prise en compte pour le respect du pluralisme politique" puisque "cette conception de son rôle a eu pour conséquence de faire remonter à l'Élysée la gestion des affaires courantes".

Candidat, Nicolas Sarkozy avait d'ailleurs lui-même affirmé qu'à ses yeux "le président de la République n'est pas un arbitre au-dessus des partis, qui marche sur les eaux parce qu'il a été élu". Élu à la présidence de la République, il a effectivement continué à participer épisodiquement aux instances de son parti, l'UMP.

Si le Conseil d'État, qui doit rendre sa décision d'ici une quinzaine de jours, suit les recommandations du rapporteur public, ce qui est généralement le cas, il s'agirait d'une petite victoire pour l'opposition, la haute juridiction administrative ayant été saisie par François Hollande lorsqu'il était premier secrétaire du PS.

 

Laurent de Boissieu

© La Croix, 06/04/2009

23 juillet 2008

Ceteris Paribus vs Diner's Room

L'attitude du PS lors du vote sur la révision constitutionnelle fait débat chez les blogueurs.

 

  GAUCHE    NI NI     DROITE  TOTAL
S-UMP     159 159
S-SOC 95     95
S-UC-UDF   2-4 26-28 30
S-CRC 23     23
S-RDSE 8   9 17
S-NI     6 6
AN-UMP     317 317
AN-SRC 204     204
AN-GDR 24     24
AN-NC     24 24
AN-NI   4 3 7
S 126 6 198 330
AN 228 4 344 576
354 6-8 544-546 906

La question du vote ou non de cette révision constitutionnelle était donc avant tout interne à la droite.

Avec une poignée de parlementaires de gauche (ou centristes sur la ligne Bayrou) de plus, cela n'aurait plus été le cas. J'ai bien compris que c'est précisément ce que tu souhaitais, afin de forcer la majorité a "vraiment négocier avec l'opposition".

Mais tu oublies une chose essentielle dans ton raisonnement : le point "dur" du PS, à savoir la réforme du mode de scrutin aux sénatoriales, était non négociable pour les sénateurs UMP (cf. les différentes versions du texte durant la navette parlementaire). Bref, je pense qu'il n'y aurait pas eu de nouvelle révision constitutionnelle (le point "dur" du MoDem étant l'introduction d'une dose de proportionnelle pour l'élection des députés, tout aussi non négociable pour beaucoup d'élus UMP).

 

22 juillet 2008

Révision constitutionnelle : les enseignements du scrutin

ensignement.jpg

1. Des votes incohérents : (marchandés ?)

Il s'agit du vote pour des huit parlementaires qui avaient voté contre, en première lecture à l'Assemblée nationale (les UMP Jean-Paul Anciaux, Jean Bardet, Gilles Bourdouleix, Bernard Debré, André Flajolet, Christian Vanneste; le PS Jack Lang) ou en deuxième lecture au Sénat (l'UMP Alain Lambert). Le vote le plus incohérent étant celui d'Alain Lambert, puisque ce vote négatif portait sur le texte définitif (les députés pouvant argumenter que le texte définitif n'est pas exactement celui contre lequel ils avaient voté en première lecture - je rappelle en effet qu'il n'y a malheureusement pas eu de scrutin public en deuxième lecture à l'Assemblée nationale).

Autre position incohérente : la non-participation au vote du sénateur NI Jean-Louis Masson (divers droite), qui appelait la semaine dernière ses collègues du département de la Moselle à voter contre la révision constitutionnelle en raison de la réforme de la carte militaire.

Enfin, Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale et donc du Congrès, a voté pour, contrairement à la tradition républicaine qui veut que le président ne participe pas au vote.

Ce sont ces dix parlementaires qui ont permis l'adoption de la révision constitutionnelle. Le passage de l'abstention vers le vote pour (50 parlementaires) ou contre (7 parlementaires) pouvant, en revanche, plus facilement être défendu. Tout focaliser sur le seul Jack Lang et le PRG est donc une erreur.

 

2. Le PRG divisé :

Les quinze parlementaires PRG se sont coupés en trois :

  • 9 votes pour : les députés Gérard Charasse (PRG), Paul Giacobbi (PRG), Annick Girardin (Cap sur l'Avenir-PRG), Joël Giraud (PRG), Dominique Orliac (PRG), Sylvia Pinel (PRG); les sénateurs Jean-Michel Baylet (PRG), André Boyer (PRG), François Vendasi (PRG)
  • 5 votes contre : les députés Chantal Robin-Rodrigo (PRG), Christiane Taubira (Walwari-PRG); les sénateurs Nicolas Alfonsi (PRG), Yvon Collin (PRG), Gérard Delfau (PRG)
  • 1 abstention : le sénateur François Fortassin (PRG)

 

3. François Bayrou, combien de divisions ?

Si les députés ex-UDF ont déjà dû trancher entre le MoDem et le Nouveau Centre, les sénateurs ex-UDF ont, au contraire, maintenu (provisoirement ?) un groupe UC-UDF. Ce dernier est resté uni en première et deuxième lecture en se réfugiant dans l'abstention. L'heure de vérité a sonné au Congrès.

En définitive, le vote contre de François Bayrou n'a été suivi que par cinq parlementaires : les députés Abdoulatifou Aly (MDM-MoDem), François Bayrou (MoDem), Jean Lassalle (MoDem); les sénateurs Jacqueline Gourault (MoDem), Jean-Jacques Jégou (MoDem).

 

Les quatorze sénateurs MoDem (décompte personnel, le flou étant entretenu sur l'appartenance partisane des sénateurs) se sont en effet coupés en trois :

  • 9 votes pour :  Nicolas About (MoDem-Mercier/Arthuis), Philippe Arnaud (MoDem-Bayrou), Didier Borotra (MoDem-Bayrou), Yves Détraigne (MoDem-Mercier/Arthuis), Françoise Férat (MoDem-Mercier/Arthuis), Michel Mercier (MoDem-Mercier/Arthuis), Catherine Morin-Desailly (MoDem-Mercier/Arthuis), Philippe Nogrix (MoDem-Mercier/Arthuis), Anne-Marie Payet (MoDem-Mercier/Arthuis)
  • 3 abstentions : Denis Badré (MoDem-Bayrou), Marcel Deneux (MoDem-Mercier/Arthuis), Jean-Marie Vanlerenberghe (MoDem-Bayrou)
  • 2 votes contre : Jacqueline Gourault (MoDem-Bayrou), Jean-Jacques Jégou (MoDem-Bayrou)