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01 juin 2011

Les recompositions de la droite française 1978-2011

http://www.france-politique.fr/histoire-des-droites-en-fr...

(essai d'infographie avec Excel)

27 janvier 2011

Bilan du congrès de l'UDF

Comme je l'ai annoncé dans une précédente note, un congrès de l'UDF (= assemblée générale) s'est déroulé le 26 janvier.

 

En voici en exclusivité pour iPolitique.fr le bilan:

- réélection de François Bayrou (seul candidat) à la présidence de l'UDF

- adoption d'une résolution politique: renouvellement pour trois ans de l'adhésion de l'UDF au MoDem (prorogation de la période transitoire)

- renouvellement du bureau de l'UDF:

  • 22 membres renouvelés
  • 4 entrants (tous proches de François Bayrou et Marielle de Sarnez): Éric Azière, Marc Fesnault, Armand Hennon, Pierre-Emmanuel Portheret
  • 5 sortants: Philippe Arnaud, Didier Bariani, Thierry Cornillet (a rallié le Parti Radical-UMP), Catherine Morin-Desailly (a rallié le Nouveau Centre), Philippe Nogrix (a abandonné la vie politique)

 

Composition politique du bureau de l'UDF:

 

***

Erratum

Contrairement à ce qui m'avait été indiqué par deux sources différentes, l'Alliance Centriste de Jean Arthuis n'est pas devenue un mouvement associé de l'UDF.

En revanche, trois de ses membres (Jean Arthuis, Yves Detraigne, Françoise Férat) ont été élevés au grade de "membres associés", conformément à l'article 5 des statuts de l'UDF: "Le Bureau de l’UDF peut agréer des membres associés. Les membres associés participent à la vie de l'UDF dans des conditions fixées par l'agrément."

26 janvier 2011

Un congrès de l'UDF!

Comme je l'ai révélé dans La Croix, un congrès - discret? secret? - de l'UDF se déroulera ce mercredi soir.

 

Rappel: le 30 novembre 2007, la dernière assemblée générale (congrès) de l'UDF a adopté la résolution suivante:

"L'UDF, formation politique au titre de l'article 4 de la Constitution, est membre fondateur du Mouvement Démocrate auquel elle adhère pour une période transitoire de trois ans, en tant que personne morale. À dater du 1er décembre 2007, tout adhérent de l'UDF est adhérent du Mouvement Démocrate. L'UDF délègue aux instances du Mouvement Démocrate la responsabilité de l'action et de l'expression communes. Les autres instances nationales et locales de l'UDF s'intègrent aux instances correspondantes du Mouvement Démocrate. Pendant cette période transitoire, les intérêts juridiques, matériels, moraux, les idées et les valeurs de l'UDF seront garantis et administrés par un bureau de vingt à trente membres désignés par le Congrès, sur proposition du Président dont le mandat est prorogé."

 

Cette période transitoire s'est donc achevée le 1er décembre 2010. C'est pourquoi François Bayrou a envoyé le 24 décembre dernier la lettre suivante aux adhérents à jour de cotisation (combien?):

Cher ami,

Vous êtes membre de l'association Union pour la démocratie française. L'assemblée générale de l'association aura lieu le mercredi 26 janvier 2011 à 19h30 au 133 bis, rue de l'Université - 75007 Paris.

Ordre du jour:
- quitus financier;
- suites à donner à la résolution adoptée par le Congrès du 30 novembre 2007 portant dispositions transitoires pour trois ans; modalités d'exercice de l'activité de l'Union pour la démocratie française dans les années à venir;
- élection du Président (1). Les candidatures et les parrainages seront reçus jusqu'au 10 janvier 2011 minuit, cachet de la poste faisant foi, à l'UDF - 133 bis, rue de l'Université - 75007 Paris;
- renouvellement du bureau.

Je compte sur votre présence effective à cette assemblée générale et vous assure de ma fidèle amitié.

François Bayrou

(1) L'article 11 des statuts dispose que "la liste des candidats est arrêtée ...au vu de 200 actes de parrainage d'adhérents à jour de cotisation issus d'au moins 10 fédérations différentes".

 

Quelles sont les hypothèses?

1) L'UDF ne renouvelle pas son adhésion au MoDem.

2) L'UDF se dissout, avec dévolution de son actif au MoDem (à l'image du RPR, qui s'est dissout en 2002 en transférant son actif à l'UMP).

3) L'UDF renouvelle son adhésion au MoDem.

 

Si la première hypothèse est improbable, la troisième est la plus probable:

1) Le maintien de l'UDF en tant que personne morale permet à François Bayrou de garder l'usage de la marque UDF (même si le Nouveau Centre l'utilise parallèlement - ce qui me semble juridiquement douteux - en se proclamant "l'UDF d'aujourd'hui").

2) Le maintien de l'UDF permet à François Bayrou de conserver ses contacts avec le centre droit en général et Jean Arthuis en particulier. Parti politique au sens de la CNCCFP depuis le 30 novembre 2009, l'Alliance Centriste est en effet un "mouvement associé" de l'UDF (article 18 des statuts). Concrètement, cela permet aux membres de l'Alliance Centriste de rester également membres de l'UDF, alors que les statuts de cette dernière stipulent que "l'appartenance à l'UDF est exclusive de toute adhésion à une autre formation politique" (article 4). Les parlementaires de l'Alliance Centriste se rattachent par ailleurs annuellement au MoDem pour la seconde fraction du financement public, le parti de François Bayrou reversant à celui de Jean Arthuis une quote-part (124.988 euros en 2009).

 

Finalement, voici ce qui devrait être adopté ce soir:

- prorogation de la période transitoire jusqu'au lendemain de l'élection présidentielle de 2012.

- réélection de François Bayrou (seul candidat) à la présidence de l'UDF.

- éventuellement mise à disposition de l'Alliance Centriste d'une partie des locaux de l'UDF, propriétaire de son siège ...qui est également celui du MoDem. Une "convention d'occupation des locaux", "renouvelable par tacite reconduction", organise en effet la "prise en charge par le MoDem de l'ensemble des dépenses d'entretien et d'amélioration des locaux et des matériels, des coûts d'acquisition des lots immobiliers acquis par l'UDF en 2009 et des coûts de rénovation éventuels des locaux, en contrepartie de l'occupation gratuite desdits locaux".

 

[note rédigée le 24 janvier chez moi pour ce blog, finalement transformée le lendemain en papier pour La Croix]

10 janvier 2011

Jean-Pierre Rioux, les centristes et l'UDF

Ne parvenant pas à trouver le temps de boucler la liste précise de mes points de désaccord avec Jean-Pierre Rioux (Les centristes, de Mirabeau à Bayrou, Fayard), voici déjà ceux concernant l'UDF.

 

Jean-Pierre Rioux intitule un chapitre "le havre giscardien", qu'il commence par cette affirmation: "Sortis affaiblis et désemparés de la tourmente gaulliste, les centristes ont gagné un havre de grâce sous le septennat de Valéry Giscard d'Estaing, de 1974 à 1981" (page 176). Afin de qualifier cette période qu'il estime positive pour le centre, l'historien va même jusqu'à parler des "jours heureux du giscardisme" (page 259).

Or, selon moi, le septennat giscardien a, bien au contraire, marqué l'éclipse du centre en France à travers le ralliement à la droite de l'ancien centre d'opposition, qui, en devenant une partie de la droite, n'est logiquement plus un centre. De fait, les élections législatives de 1978 sont les premières véritablement bipolarisées de la Ve République, avec une droite et une gauche hégémoniques et composées de deux partis de force relativement comparable (RPR et UDF à droite, PS et PCF à gauche): c'est le fameux "quadrille bipolaire" de Maurice Duverger.

Le plus étrange, c'est qu'au fil des pages Jean-Pierre Rioux ...me donne raison et, donc, se contredit! Dès l'ouverture dudit chapitre, l'auteur indique en effet que "ce ralliement présentait néanmoins un risque majeur: lier le destin du centre à celui de Valéry Giscard d'Estaing et de sa majorité, et laisser s'installer le sentiment que le centre ne pouvait être qu'à droite dans une Ve République à vocation bipolaire et, pis, qu'il y était à sa juste place" (page 177). Plus loin, il écrit que la création de l'UDF "en hâtant la bipolarisation en «quadrille», a fait courir au centrisme le risque de l'évaporation par fusion" (page 192) ou encore que les centristes se sont trouvés "enchâssés à droite par leur participation à l'UDF" (page 208). "Réaffirmer une identité centriste et bientôt, peut-être, une relative autonomie des centristes après vingt-cinq années de ralliement à la droite giscardienne et vingt années de consentement à la confusion cohabitationniste et à la dilution au sein de l'UDF: tel a été le pari de François Bayrou dès 1999" (pages 219-220), conclut-il finalement.

Rien à redire à ces derniers extraits, à une divergence de vocabulaire près: en quoi des centristes ralliés à la droite peuvent-ils encore être qualifiés de centristes? Pour moi, en effet, on ne peut pas en même temps être au centre (c'est-à-dire ni à droite ni à gauche) et à droite (ou à gauche). Bref, comme aurait dit La Palice, le centre c'est le centre au centre, tandis que le centre à droite (ou à gauche), ce n'est plus le centre!

Afin d'être complètement honnête, je me dois tout de même de répondre au principal élément de fond avancé par Jean-Pierre Rioux pour justifier son jugement positif du septennat de Valéry Giscard d'Estaing pour le centre: le giscardisme "ce surgeon de la droite orléaniste et libérale, ce métissage de conservatisme, de modération et de modernité, ce vecteur d'un libéralisme orchestrant une société recomposée par le «changement sans le risque», a endossé le meilleur de la philosophie centriste du rassemblement et du juste milieu" (page 177); Valéry Giscard d'Estaing a "exposé en 1976 son désir d'exercer le pouvoir présidentiel et de faire évoluer la Ve République en s'inspirant, sans renier sa famille politique de droite, de l'expérience et des valeurs du centrisme de «bon gouvernement», hérité du temps de Guizot et de Ferry" (page 181).

Reprenons le raisonnement de l'auteur : 1) François Guizot et Jules Ferry incarnaient le centrisme de "bon gouvernement", "du rassemblement et du juste milieu" 2) VGE a repris dans Démocratie française cette philosophie 3) donc VGE s'est inspiré du centrisme.

Or, il me semble que l'historien oublie juste une chose: Guizot, Ferry et Giscard d'Estaing appartiennent à la même famille politique, la famille libérale. Il est donc logique qu'ils défendent le même libéralisme politique et le même parlementarisme face aux tenants d'un exécutif fort!

En réalité, jusqu'à la page 95 ce n'est effectivement pas une histoire du centre que nous livre Jean-Pierre Rioux mais une histoire de la famille libérale. Une famille dont les représentants n'ont pas toujours siégé au centre des assemblées parlementaires: Jules Ferry, par exemple, n'était absolument pas au centre mais à gauche (ses partisans étaient regroupés au sein du groupe de la Gauche républicaine). Mais je reviendrai sur cette critique, la plus importante il me semble, dans une prochaine note...

 

13 décembre 2010

Foire aux questions sur le centre

Le débat est récurrent: je l'ai régulièrement - depuis 2008 - avec un député Nouveau Centre, je l'ai encore eu jeudi dernier, dans le contexte du "dîner de la République" de Jean-Louis Borloo, avec un sénateur Nouveau Centre, et mon dernier papier l'a relancé par SMS avec un proche d'Hervé Morin, à qui je dédie donc cette petite "foire aux questions sur le centre"!

 

1. Qu'est-ce que le centre?

2. Y-a-t-il toujours eu un centre en France?

3. Le MoDem est-il au centre?

4. Le Nouveau Centre est-il au centre?

5. Le Parti radical "valoisien" est-il au centre?

6. L'Alliance Centriste est-elle au centre?

7. L'UDF était-elle au centre?

8. Dominique de Villepin est-il au centre?

 

 

1. Qu'est-ce que le centre?

Le centre, la droite et la gauche ne signifient idéologiquement rien: il ne s'agit que d'un positionnement géographique au sein d'une assemblée.

Bien entendu, à un moment donné et dans un État donné le centre, la droite et la gauche possèdent un contenu idéologique; mais dans l'absolu, c'est-à-dire sans double contextualisation spatiale et temporelle, le centre, la droite et la gauche ne signifient rien.

Un exemple: la famille politique libérale a évolué en France (et plus généralement en Europe) de la gauche vers le centre puis la droite ("sinistrisme": Albert Thibaudet, 1932) - vous pouvez visualiser cette évolution en suivant l'emplacement géographique de la famille libérale (en jaune) dans la Chambres des députés sous la IIIe République:
http://www.france-politique.fr/chambre-des-deputes.htm

 

 

2. Ya-t-il toujours eu un centre en France?

Non, il n'y a pas toujours eu un centre en France! Périodes d'existence d'un centre :

- 1893-1899 (famille idéologique au centre: libéraux)

- 1920-1940 (familles idéologiques au centre: radicaux puis radicaux et démocrates-chrétiens)

- 1947-1956: Troisième Force (familles idéologiques au centre: socialistes, radicaux, démocrates-chrétiens et libéraux)

- 1962-1974 (familles idéologiques au centre: démocrates-chrétiens puis démocrates-chrétiens et radicaux)
Il n'existait effectivement plus de centre en France entre 1974 et 2007, c'est-à-dire jusqu'à la rupture de François Bayrou avec la droite.

 

 

3. Le MoDem est-il au centre?

Le MoDem est centriste, c'est même ce qui le caractérise puisqu'il a été fondé après la rupture (progressive entre 2002 et 2007) de François Bayrou avec la droite.

Mes interlocuteurs du Nouveau Centre considèrent toutefois que le MoDem est à gauche puisqu'il est dans l'opposition (vote contre la déclaration de politique générale du gouvernement de François Fillon le 24 novembre 2010). Or, c'est commettre une erreur: autant le nombre de familles idéologiques est infini, autant le nombre de positionnements géographiques au sein d'une assemblée est limité (extrême droite, droite - dont centre droit -, centre, gauche - dont centre gauche-, extrême gauche), autant l'appartenance à l'opposition ou à la majorité est binaire: on est soit dans l'opposition soit dans la majorité (il n'existe pas de troisième possibilité, contrairement à ce qu'a voulu faire croire François Bayrou entre 2002 et 2007 ou à ce que veut faire croire aujourd'hui Dominique de Villepin).

Bref, un parti peut appartenir à l'opposition sans être de gauche (qui songerait par exemple à classer le Front national à gauche?).

Cela dit, il est vrai que François Bayrou a, selon moi, voulu quitter le centre pour passer à gauche au moment des élections régionales (voir ma note "Bayrou passe à gauche"); seuls l'en ont empêché le mauvais score du MoDem et le bon score du PS et de ses alliés: le PS n'a alors pas eu besoin de fusionner avec le MoDem pour espérer l'emporter (même configuration que Marielle de Sarnez aux élections municipales de 2008 à Paris). Si François Bayrou était passé à gauche, il aurait cependant démonétisé sa prochaine candidature présidentielle en n'en faisait qu'un choix parmi d'autres à gauche (aux côtés de ceux du PS, d'Europe écologie - Les Verts et du Front de Gauche).

 

 

4. Le Nouveau Centre est-il au centre?

À l'inverse du MoDem, le Nouveau Centre a été créé par les membres de l'UDF qui souhaitaient rester à droite.

Il est donc logique que la grande majorité des élus de l'ex-UDF soient aujourd'hui au Nouveau Centre et non au MoDem, puisqu'ils ont toujours été élus en tant que candidats de droite. Ce n'est donc pas forcément une question de trahison ou de courage politique: de droite ils étaient, de droite ils sont restés pendant que François Bayrou passait au centre (c'est François Bayrou qui a bougé, ce ne sont pas eux).

Seuls élus ex-UDF à être aujourd'hui majoritairement au MoDem: les parlementaires européens. Exceptions logiques puisque les élections européennes constituent le seul scrutin à tour unique. Or, ce sont précisément les élections à deux tours qui poussent à des alliances de second tour et à une bipolarisation fatales à ceux qui n'appartiennent ni à la coalition de droite ni à la coalition de gauche, qu'il s'agisse du MoDem ou du FN.

 

 

5. Le Parti radical "valoisien" est-il au centre?

Pour la même raison que le Nouveau Centre, le Parti radical "valoisien" est à droite. La partition des radicaux est d'ailleurs la conséquence de la bipolarisation intervenue au début des années soixante-dix. À cette époque, le Parti radical historique s'est en effet coupé en deux:
- le Parti radical dit "valoisien" au centre (1972) puis à droite (1974)
- le Mouvement des Radicaux de Gauche (MRG), devenu depuis le Parti Radical de Gauche (PRG).

 

 

6. L'Alliance Centriste est-elle au centre?

L'Alliance centriste est le parti dont le positionnement est le plus ambigu. D'un côté, de par ses alliances électorales et les votes de ses parlementaires elle se positionne plutôt à droite. De l'autre, Jean Arthuis, son président, est en train de se recentrer: ralliement à la ligne centriste de François Bayrou dans la perspective de la prochaine élection présidentielle ("Si le candidat du centre n'est pas qualifié au second tour de la présidentielle, il doit chercher à conclure une alliance de gouvernement aussi bien avec le candidat de la droite qu'avec celui de la gauche", La Croix, 21 septembre 2010) et vote contre le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 (25 novembre 2010). 

 

 

7. L'UDF était-elle au centre?

L'UDF a été créée en 1978 afin de regrouper, face au RPR chiraquien (créé en 1976), la fraction giscardienne de la majorité de droite.

L'UDF avant 2007 - y compris François Bayrou lors de la présidentielle de 2002 (même s'il a brièvement hésité) - n'a ainsi jamais voulu incarner une troisième voie entre la droite et la gauche mais seulement offrir un second choix à droite.

Contrairement à ce qu'a fait croire François Bayrou lorsqu'il en était le président, l'UDF n'a donc jamais été positionnée au centre de l'échiquier politique. Je m'étais ainsi toujours interdit dans mes articles de qualifier hier l'UDF de centriste, comme je m'interdis aujourd'hui de qualifier le Nouveau Centre de centriste. CQFD!

 

 

8. Dominique de Villepin est-il eu centre?

Dominique de Villepin se trouve dans la même situation ambigue que François Bayrou entre 2002 et 2007: un pied dans la majorité, un pied dans l'opposition; un pied à droite, un pied ...ailleurs!

Cet "ailleurs" est-il le centre? En réalité, Dominique de Villepin semble hésiter entre "faire du Bayrou" ou "faire du Dupont-Aignan". À suivre...

 

 

Pour aller plus loin:

Hervé Morin veut incarner un centre de droite

Le centre: mirage ou réalité?

 

15 mars 2010

Le retour de l'UDF

C'est passé inaperçu, mais un parti politique a été ressuscité à l'occasion de ces élections régionales : l'UDF !

Deux professions de foi du MoDem ont en effet repris le logo de l'UDF, un des deux partis fondateurs du MoDem avec CAP 21 : celle de Yann Wehrling et Odile Uhlrich-Mallet en Alsace (terre démocrate-chrétienne historique) et celle de Danielle Jeanne et Richard Lecoeur en Haute-Normandie (région d'élection d'Hervé Morin...).

Cette utilisation a bien entendu dû s'effectuer avec l'accord du bureau chargé de garantir et d'administrer les intérêts juridiques, matériels et moraux de l'UDF.

 

Or la marque UDF est doublement revendiquée :

- par la personne morale UDF, propriétaire des marques "Nouvelle UDF" (depuis le 17 octobre 2008), "UDF" (4 mai 2007), "Union pour la Démocratie Française" (4 mai 2007), "Parti démocrate - UDF" (25 avril 2007) et "UDF LE PARTI LIBRE" (1er février 2006).

- par le Nouveau Centre d'Hervé Morin, auquel a adhéré l'ancien giscardien Hervé de Charette, propriétaire, à travers la Convention démocrate - Fédération des clubs Perspectives et Réalités, de la marque "UNION POUR LA DEMOCRATIE FRANCAISE U.D.F." (depuis le 8 mars 2004). La personne morale PSLE - Le Nouveau Centre a par ailleurs racheté le 2 décembre 2009 à Steven Zunz la marque "UDF - ALLIANCE" (déposée le 5 février 1999).

 

Si le Nouveau Centre possède l'antériorité du dépôt de la marque (2004 voire 1999), la personne morale UDF en possède l'usage depuis sa création, en 1978.

Puisque François Bayrou ne l'utilisait plus depuis 2007 (l'UDF étant en quelque sorte en sommeil), Hervé Morin espérait relever l'usage du sigle UDF, son parti ayant ajouté l'année dernière sous son logo le sous-titre "l'UDF d'aujourd'hui".

Après les régionales, cette argumentation s'effondre.

 

udf.jpg

07 décembre 2009

Hervé de Charette va-t-il adhérer au Nouveau centre ?

L'Express.fr a annoncé le départ de l'UMP de l'ancien ministre Hervé de Charette. Il me semble évident que ce dernier, qui a rendez-vous jeudi matin avec Hervé Morin, va dans la foulée rejoindre le Nouveau centre (1) :

- ex-UDF ayant participé à la création de l'UMP en 2002, le giscardien Hervé de Charette avait lancé en janvier 2003 une Convention démocrate (2) admettant la double appartenance "à l'UMP ou à une autre formation de la majorité présidentielle", c'est-à-dire l'UDF hier et le Nouveau centre aujourd'hui. Bref, au-delà des adhésions partisanes, il a toujours voulu créer des passerelles entre ex-UDF, tout au moins entre ceux qui se positionnent au centre droit (3).

- Hervé de Charette avait déjà cosigné en octobre 2007 une tribune avec Claude Goasguen et Alain Lamassoure appelant à "un centre retrouvé", c'est-à-dire, dans leur esprit, "une UDF retrouvée".

- Hervé de Charette a déposé la marque UDF avant l'UDF personne morale, une marque que le Nouveau centre entend justement revendiquer à l'occasion de son prochain conseil national.

 

(1) Je n'en ai pas confirmation à l'heure où jécris ces lignes, sinon, d'ailleurs, je ne serais pas en train d'écrire pour mon blog mais pour La Croix !

(2) Juridiquement issue du Parti populaire pour la démocratie française (PPDF).

(3) Aujourd'hui dispersés entre l'UMP (Pierre Méhaignerie, Marc-Philippe Daubresse, Alain Lamassoure), le Nouveau centre (Hervé Morin, François Sauvadet) et l'Alliance centriste (Jean Arthuis), auxquels s'ajoutent quelques irréductibles incohérents au MoDem (Nicolas About et Michel Mercier, seulement "en congé" du parti).

04 décembre 2009

Les ruptures de Bayrou avec les idées de l'UDF

udfmodem.jpgLe "congrès programmatique" du MoDem, organisé à partir d'aujourd'hui et jusqu'à dimanche à Arras (Pas-de-Calais) sera l'occasion d'analyser les éventuelles ruptures idéologiques entre l'UDF et le parti qui lui a juridiquement succédé. Un jalon de plus dans la querelle pour l'héritage politique de l'UDF à laquelle se livrent François Bayrou (MoDem), Jean Arthuis (Alliance centriste) et Hervé Morin (Nouveau centre).

La fiscalité est un des principaux marqueurs du clivage droite-gauche. Dans le document préparatoire au congrès du MoDem, qui n'engage pas le parti tant qu'il n'est pas voté par les militants, il est notamment proposé en direction des particuliers "une plus forte progressivité de l'imposition sur les hauts revenus" (1). Il s'agit d'une rupture idéologique avec l'UDF. François Bayrou fut en effet membre du gouvernement d'Édouard Balladur (1994-1995), à l'origine de la première remise en cause de la progressivité de l'impôt sur le revenu à travers une réduction de douze à sept du nombre de tranches. La seconde grande remise en cause de cette progressivité date du gouvernement de Dominique de Villepin (2005-2007), avec une nouvelle réduction du nombre de tranches – de sept à cinq – et l'instauration d'un bouclier fiscal (tous impôts confondus) à 60% des revenus. Or, dans son programme présidentiel, François Bayrou ne remettait pas en cause le principe du bouclier fiscal mais seulement son abaissement à 50%, comme promis puis réalisé par Nicolas Sarkozy. Un amendement de la commission "économie" du MoDem propose, cette fois, purement et simplement "la suppression du bouclier fiscal".

À travers ces propositions, le MoDem se prononcerait, de fait, en faveur d'une augmentation des impôts. Le parti de François Bayrou assume par ailleurs une autre augmentation des impôts, conjoncturelle, dans le cadre de la lutte contre les déficits publics. "Le discours de vérité est donc celui de recourir à une discipline financière contraignante, qui ne fera pas l'économie de hausse des recettes fiscales et de la réduction des dépenses", est-il expliqué dans le document de travail, en envisageant "une contribution exceptionnelle collective temporaire dans le cadre d'un plan de redressement des finances publiques (par exemple sous forme d'augmentation de la TVA ou de la CSG)".

Toujours dans le domaine économique et social, le document du MoDem reprend les arguments des antilibéraux contre la fin des services publics monopolistiques et la mise en concurrence entre les opérateurs publics et privés (2). "Le risque est grand de favoriser des bénéfices abusifs en faveur du privé en laissant au secteur public ce qui n'est pas rentable", est-il écrit. Il s'agit d'une autre rupture idéologique avec l'UDF, qui ne s'est historiquement jamais opposée aux directives européennes de ibéralisation des services publics, adoptées sans discontinuité sous des gouvernements français de droite et de gauche.

Sur la question énergétique, le MoDem rompt également avec l'UDF. Dans son programme législatif de 2002, l'UDF se déclarait "pour une ouverture progressive du capital d'EDF". Une ouverture contre laquelle François Bayrou s'est élevé lorsqu'elle fut décidée en 2005 par le gouvernement de Dominique de Villepin. Parallèlement, l'UDF parlait de "filière nucléaire propre" alors que le MoDem juge aujourd'hui que "les impacts sur l'environnement du nucléaire civil ne peuvent être considérés comme neutres". Le parti centriste reproche ainsi à la majorité d'avoir laissé "sans raison valable l'électricité en dehors du champ de la taxe carbone". La contribution de la commission climat énergie du MoDem reste toutefois très prudente sur l'énergie nucléaire, se contentant d'un double constat. D'une part, qu'il n'y a pas de consensus "à ce jour ni dans le MoDem ni en France". D'autre part, qu'"il est mensonger de faire croire aujourd'hui que la France pourra sortir du nucléaire vers 2030 tout en réussissant simultanément à décarboner son économie".

Enfin, la vie homosexuelle constitue un domaine dans lequel François Bayrou a personnellement évolué. En 1998-1999, il était opposé au pacs. À l'élection présidentielle de 2002, il s'était déclaré contre l'abrogation du pacs mais aussi contre le mariage et l'adoption des couples homosexuels. À la présidentielle de 2007, il s'était prononcé toujours contre le mariage homosexuel mais en faveur d'une "union civile" conclue en mairie et de l'adoption simple. Si le document du MoDem reste flou sur le statut légal de l'union de deux personnes de même sexe, il demande d'assumer "la légalisation" de l'adoption pour les couples homosexuels. Souhaitant aller plus loin, un amendement présenté par l'association Centr'égaux suggère d'ouvrir "toutes les formes d'union aux couples homosexuels, y compris le mariage civil". Aux congressistes du MoDem de trancher.

 

Laurent de Boissieu

© La Croix, 04/12/2009

 

(1) En ce qui concerne le taux de la tranche marginale de l'impôt sur le revenu, le programme législatif 2002 de l'UDF proposait de limiter "le poids de la fiscalité à 40% pour le taux le plus élevé de l’impôt sur le revenu". Ce qui fut fait sous le gouvernement de Dominique de Villepin. Logiquement, le programme 2006 de l'UDF et le programme présidentiel de François Bayrou en 2007 prônaient donc le statu quo fiscal.

(2) Verbatim : "Dans un vaste pays comme la France, avec de nombreux territoires ruraux, la distribution du courrier ou les grandes infrastructures de transport en commun ne peuvent impunément être confiées à des opérateurs privés. C’est pourquoi la Poste, comme la SNCF, doivent rester de statut public (...) Certains secteurs font coexister gestions publique et privée comme dans la santé avec les hôpitaux publics et les cliniques. Il est regrettable que ces situations historiques anciennes soient présentées comme un modèle que l’on tend aujourd’hui à dupliquer dans de nombreux domaines : transport, courrier, accompagnement des chômeurs... Le risque est grand de favoriser des bénéfices abusifs en faveur du privé en laissant au secteur public ce qui n’est pas rentable. Quant à l’idée d’encourager la concurrence entre les opérateurs publics et privés, elle souligne l’incapacité du gouvernement et des gestionnaires à inventer d’autres modèles d’organisation efficace que celui de l’entreprise privée."

Ce texte mélange critique de l'ouverture du capital des opérateurs dits historiques ("privatisation") et critique de la libéralisation (fin des services publiques monopolistiques et mise en concurrence des opérateurs historiques avec des opérateurs privés). Le MoDem partage cette ambigüité avec le PS.

02 décembre 2009

Hervé de Charette au secours du Nouveau centre

Le Nouveau centre ne veut pas le confirmer, mais c'est bien d'après moi l'UMP Hervé de Charette qui a accordé à Hervé Morin le droit d'utiliser la marque UDF.

Ce proche de Valéry Giscard d'Estaing est effectivement le seul à détenir aujourd'hui une marque UDF (1) déposée avant les marques détenues par la personne morale UDF (2).

Je n'ai en effet eu que ce matin l'information suivante de la part de l'INPI (la base que j'ai consultée hier n'était malheureusement pas mise à jour) : l'autre personne ayant déposé une marque UDF avant l'UDF (3), Steven Zunz, n'a pas renouvelé sa marque au 1er septembre 2009, date d'expiration du délai de grâce de six mois pour le renouvellement.

Quant à la quatrième personne détentrice d'une marque UDF, Marie-Christine Blin (ex-RPR, ex-DL, ex-UDF), elle n'a déposé sa marque qu'après la personne morale UDF (4).

 

Reste à savoir si le dépôt de la marque UDF par Hervé de Charette était ou non frauduleux, comme l'avancent les proches de François Bayrou. Une question que seuls les tribunaux pourraient trancher...

 

(1) "UNION POUR LA DEMOCRATIE FRANCAISE U.D.F", déposée en 2004 par la Fédération Nationale des Clubs Perspectives et Réalités, actuellement Convention démocrate - Fédération des clubs Perspectives et Réalités

(2) plusieurs dépôts entre 2006 et 2008 : "Nouvelle UDF", "UDF", "Union pour la Démocratie Française", "Parti démocrate - UDF", "UDF LE PARTI LIBRE"

(3) "UDF - ALLIANCE" en 1999

(4) "L'UDF L'UNION DES DEMOCRATES POUR LA FRANCE ET L'EUROPE" en 2008

Hervé Morin veut reprendre à François Bayrou le sigle UDF

udfnc.jpgLe Nouveau centre entend franchir un pas supplémentaire dans sa volonté de s'inscrire dans l'héritage de l'UDF en effectuant, à l'occasion de son prochain conseil national, le 12 décembre, une "OPA" sur le sigle UDF. Depuis son université de septembre dernier, le parti présidé par Hervé Morin a déjà ajouté sous son logo la mention "l'UDF d'aujourd'hui". La bataille autour du nom du parti créé en 1978 par Valéry Giscard d'Estaing est double. 

Politiquement, le Nouveau centre a bel et bien repris la place de l'UDF giscardienne, au centre droit de l'échiquier politique.

Juridiquement, en revanche, la question est plus complexe.

 

En tant que parti politique, l'UDF est devenue en décembre 2007 membre fondateur du MoDem, "auquel elle adhère pour une période transitoire de trois ans" durant laquelle "les intérêts juridiques, matériels, moraux, les idées et les valeurs de l'UDF seront garantis et administrés par un bureau de vingt à trente membres". En son sein, les centristes du MoDem sont toujours majoritaires face à une minorité se rattachant à la majorité présidentielle (Jean Arthuis, Michel Mercier, etc.). Au sein même de cette minorité, il n'y a quasiment aucun membre du Nouveau centre, puisque ses fondateurs avaient quitté l'UDF dès les législatives de mai 2007, c'est-à-dire plusieurs mois avant son dernier congrès. Ce n'est donc pas à travers cette instance qu'Hervé Morin pourra réaliser son "OPA" (1).

 

La situation juridique est d'autant plus complexe que l'UDF a fait l'objet d'une série de dépôts auprès de l'Institut national de la propriété industrielle.

L'ancien ministre Hervé de Charrette, ex-UDF aujourd'hui à l'UMP, est ainsi propriétaire, à travers la Convention démocrate - Fédération des clubs Perspectives et Réalités (2), de la marque "UNION POUR LA DEMOCRATIE FRANCAISE U.D.F.", déposée le 8 mars 2004.

La personne morale UDF est quant à elle propriétaire des marques "Nouvelle UDF" (depuis le 17 octobre 2008), "UDF" (4 mai 2007), "Union pour la Démocratie Française" (4 mai 2007), "Parti démocrate - UDF" (25 avril 2007) (3) et "UDF LE PARTI LIBRE" (1er février 2006).

Tandis qu'un particulier, Steven Zunz, a déposé la marque "UDF - ALLIANCE" (5 février 1999) (4). Steven Zunz n'est pas un inconnu du monde politique : ancien assistant parlementaire de Christian Estrosi, il a créé les cabinets de lobbying Perroquet Institutionnel Communication (Pic conseil) - avec les sarkozystes Frédéric Lefebvre et Stephan Denoyes - puis Domaines publics - avec Jean-Michel Arnaud (Causalis). (la marque n'a pas été renouvelée au 1er septembre 2009, date d'expiration du délai de grâce de six mois pour le renouvellement)

 

Sans vouloir donner aujourd'hui de nom, l'entourage d'Hervé Morin assure pouvoir utiliser la marque grâce à "un accord avec l'un des dépositaires de la marque UDF" (donc Steven Zunz ou Hervé de Charette). Côté Nouveau centre, on assure ainsi disposer par ce biais de "l'antériorité du dépôt de la marque".

Mais, côté MoDem, on avance le "caractère frauduleux du dépôt d'une marque déjà utilisée de façon constante".

Faute d'un improbable accord amiable entre les deux parties, ce sera aux tribunaux de trancher, à condition bien entendu que les proches de François Bayrou décident effectivement d'attaquer le Nouveau centre pour utilisation frauduleuse de la marque UDF. Quoi qu'il en soit, nul doute que le sujet sera abordé, la semaine prochaine, à l'occasion d'un petit-déjeuner entre le fondateur du Nouveau centre, Hervé Morin, et celui de l'UDF, Valéry Giscard d'Estaing.

 

Laurent de Boissieu

© La Croix, 02/12/2009 (version mise à jour et un peu plus longue que celle publiée sur papier)

 

(1) L'article 4 des derniers statuts de l'UDF précise que "l'appartenance à l'UDF est exclusive de toute adhésion à une autre formation politique" et que "tout manquement à la présente disposition entraîne la radiation automatique". Hormis le MoDem, dont l'UDF est membre fondateur, il n'est donc pas juridiquement évident que ceux ayant adhéré à un autre parti politique (Alliance centriste de Jean Arthuis, Nouveau centre ou UMP) puissent encore siéger au bureau.

(2) Issue de la Fédération nationale des clubs Perspectives et Réalités, giscardienne, puis du Parti populaire pour la démocratie française (PPDF), composante de l'UDF jusqu'en 2002.

(3) François Bayrou a d'abord songé au nom Parti démocrate, avant d'opter pour Mouvement démocrate afin d'éviter le sigle PD (pédéraste).

(4) En juin 1998, le groupe UDF à l'Assemblée nationale était devenu le groupe UDF - Alliance, en référence à l'Alliance pour la France, créée le mois précédent par l'UDF (François Bayrou), le RPR (Philippe Séguin) et Democratie liberale (Alain Madelin).