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20 février 2014

Les intégristes sont-ils catholiques?

Trop souvent dans un débat une mésentente sur la définition des mots vient ensuite plomber le débat sur le fond.

J'ai déjà eu l'occasion de mentionner l'Institut Civitas. Dans le flot des amalgames qui accompagne le "catho-bashing" ambiant se trouve entre autres l'amalgame "Civitas = catholique".

Qu'en est-il réellement?

 

Civitas est un mouvement de laïcs qui se rattache spirituellement à la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX pour les intimes):

Civitas1.gif

 

La Fraternité sacerdotale Saint-Pie X a été créée en 1970 par Mgr Lefebvre. Elle devient très vite le principal pôle de rassemblement des catholiques traditionalistes qui critiquent le Concile de Vatican II (nouvelle liturgie, œcuménisme, liberté religieuse).

Dès 1975 (retrait de l'approbation canonique) la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X se trouve toutefois placée en marge, mais toujours au sein de l'Église catholique, avec dans ses relations avec le Saint-Siège des bas ("suspens a divinis" de Marcel Lefebvre en 1976 après avoir ordonné des prêtres) et des hauts (autorisation de l'usage du rite Saint-Pie V en 1984). Un protocole d'accord est finalement signé le 5 mai 1988 entre la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (représentée par Mgr Lefebvre) et le Saint-Siège (représenté par Mgr Ratzinger, futur pape Benoît XVI). Mais Marcel Lefebvre retire dès le lendemain sa signature: il sera excommunié après avoir sacré quatre évêques le 30 juin 1988.

 

Dès lors, la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X se trouve en dehors de l'Église catholique. C'est-à-dire, si les mots ont un sens, qu'elle n'est plus catholique.

On pourrait certainement noircir des pages et des pages de subtilités métaphysiques et d'arguties théologiques afin d'expliquer qu'en droit canonique "c'est plus compliqué", mais le fait est que pour le commun des mortels "catholique = Église catholique", donc que ce qui n'est plus dans l'Église catholique n'est pas catholique (si c'est à côté c'est pas dedans, comme le dit la sagesse populaire).

Tant que le rapprochement initié en 2009 par Bernard Fellay n'aboutit pas à une réintégration de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X au sein de l'Église catholique (c'est-à-dire tant que la FSSPX ne sera pas admise à la pleine communion avec l'Église catholique), il est donc erroné voire mensonger de la qualifier de catholique.

 

En 1988, une partie des catholiques traditionalistes est toutefois restée dans l'Église catholique, c'est-à-dire qu'elle n'a pas suivi Marcel Lefebvre dans son schisme. Afin de distinguer les deux branches, de façon utile et pertinente deux mots différents se sont imposés:

- traditionalistes pour ceux qui sont restés dans l'Église catholique. Il s'agit de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre (FSSP pour les intimes) et de mouvements de laïcs à l'exemple de Chrétienté-Solidarité.

- intégristes pour ceux qui se sont placés en dehors de l'Église catholique. Il s'agit de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X et de mouvements de laïcs comme Renaissance Catholique et, plus récemment, l'Institut Civitas.

(à noter qu'en 1988 chez les religieux le tronçon majoritaire est devenu intégriste, alors que chez les laïcs le tronçon majoritaire est resté traditionaliste; par ailleurs, la branche la plus anti-catholique de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X a lancé il y a un an une FSSPX dite "de la stricte observance"; à l'inverse, en 2006 une scission a été réintégrée dans l'Église catholique: l'Institut du Bon Pasteur).

 

Bien entendu, les chrétiens intégristes - schismatiques de l'Église catholique - se considèrent, eux, comme catholiques (les vrais catholiques même, tandis que l'Église catholique qu'ils qualifient d'"officielle" ne le serait en réalité plus en raison de ce qu'ils appellent une "dérive protestante"). "C'est la Rome occupée par les modernistes qui est en rupture ou en schisme par rapport au passé et au magistère traditionnel de l'Église. L'unité de l'Église n'est pas seulement dans l'espace mais dans le temps, et je suis en communion avec l'Église éternelle", expliquait ainsi Marcel Lefebvre peu avant son excommunication.

 

Humour extrait du site Le Rouge & le Noir:
- Combien de fidèles de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre (FSSP) faut-il pour changer une ampoule? "Si Rome nous le demande, nous changeons l'ampoule, mais au fond, on garderait bien l'ancienne".
- Combien de fidèles de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX) faut-il pour changer une ampoule? "Comment? La Frat'? CHANGER?????".

 

 

18 février 2014

À propos des sondages sur les élections municipales

Qu'on me permette de reprendre rapidement ici ce que je dis à mes étudiants du Celsa au sujet des sondages:

Un sondage reflète l'état de l'opinion à la date de sa réalisation mais ne constitue pas une prédiction du résultat du vote: les électeurs peuvent changer d'avis jusqu'au moment où, dans l'isoloir, ils glissent un bulletin de vote dans l'enveloppe. Plus on est près du scrutin, plus cependant leur choix se stabilise.

Même représentatifs d'une population, les sondages possèdent en outre une marge d'erreur. Cette dernière dépend de la taille de l'échantillon: plus l'échantillon est petit, plus la marge d’erreur sera grande. Or, pour les élections municipales la taille de l'échantillon descend souvent à 500 personnes interrogées, contre généralement 1 000 pour les scrutins nationaux. La marge d'erreur dépend aussi du pourcentage mesuré: plus ce dernier est proche de 50%, plus la marge d'erreur sera grande.

Par exemple, dans le cas d'un échantillon représentatif de 500 personnes, si le pourcentage mesuré est de 51%, la marge d'erreur est égale à 4,4 points. Le vrai pourcentage est donc compris entre 46,6% et 54,4%. Bref, impossible dans un tel cas de figure de dire si la liste obtiendrait ou non la majorité des suffrages exprimés!

Enfin, le mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille présente une autre difficulté car il est à deux étages: l'arrondissement ou le secteur d'une part, la commune d'autre part. Les sondages à l'échelon de l'ensemble de ces trois villes peuvent donc être trompeurs car ils ne permettent pas de déduire avec certitude quelle liste obtiendrait le plus grand nombre de conseillers municipaux élus dans les différents arrondissements ou secteurs.

 

 

03 février 2014

Quel prolongement politique pour La Manif pour Tous?

Le retour dans la rue de La Manif pour Tous (Ludovine de la Rochère, Albéric Dumont), ce dimanche 2 février, a été un succès malgré un contexte moins favorable que celui de la mobilisation contre un texte de loi précis (plus de 100 000 personnes à Paris et Lyon).

Je l'avoue: je ne m'y attendais pas. D'autant plus que La Manif pour Tous s'est coupée de son aile droite (favorable à des actions illégales mais non violentes: Le Printemps français de Béatrice Bourges) et de son aile gauche (favorable à l'union civile et à l'adoption non plénière homosexuelles: L'Avenir pour Tous de Frigide Barjot, Xavier Bongibault et Laurence Tcheng).

 

Dès lors, sur quel prolongement politique peut déboucher La Manif pour Tous? Trois scenarii sont possibles:

- Le "Tea Party" à la française. Il s'agirait de copier sur la forme (mais pas forcément sur le fond, même si le "Taxed Enough Already" libertarien pourrait être transposé à la fiscalité familiale) le mouvement du "Tea Party" aux États-Unis d'Amérique. Il s'agirait donc de la transformation en un groupe de pression politique qui, concrètement, pourrait par exemple noter ou labelliser les candidats des différents partis aux élections.

- La récupération par l'UMP. Cette option serait délicate car toute l'UMP n'est pas sur la ligne de La Manif pour Tous. Un club associé à l'UMP incarne malgré tout déjà cette tendance en interne (Sens Commun: Sébastien Pilard, Madeleine Bazin de Jessey).

- La transformation en parti politique. Cette option serait également délicate car ce créneau électoral est déjà occupé par le Parti chrétien démocrate (PCD) et par les listes "Force Vie" aux prochaines élections européennes (Christine Boutin, Antoine Renard, Jean-Claude Martinez). Reste à savoir combien pèserait en France ce courant chrétien conservateur, politiquement représenté dans d'autres États européens: Slovaquie (de larges secteurs du Kresťanskodemokratické Hnutie), Pays-Bas (ChristenUnie, Staatkundig Gereformeerde Partij), Estonie (Erakond Eesti Kristlikud Demokraadid)...

01 février 2014

Théorie(s) du genre?

Note personnelle - susceptible de modifications au fil de l'eau! - afin d'essayer d'y voir clair sur la question de la "théorie du genre".

 

Qu'est-ce que la théorie du genre?

La théorie du genre (1) désigne d'abord les études universitaires sur le genre ("gender studies" aux États-Unis d'Amérique). Il s'agit tout simplement d'étudier les images et les rôles attribués par l'idéologie dominante d'une société aux hommes et aux femmes.

Il ne s'agit en réalité que d'une déclinaison autour de la question de l'identité sexuelle du débat ancien et classique entre nature et culture. L'identité sexuelle est-elle fondée:

- uniquement ou prioritairement sur le sexe biologique? "L'identité sexuelle des individus s'explique par la biologie".

- uniquement ou prioritairement sur le sexe social, c'est-à-dire le genre? "L'identité sexuelle des individus s'explique par le contexte socio-culturel (qu'il est donc possible de dépasser par simple sentiment et choix individuels)".

- à la fois et égalitairement sur le sexe biologique et sur le sexe social? "L'identité sexuelle des individus s'explique autant par le contexte socio-culturel que par la biologie".

 

La théorie du genre (2) désigne ensuite ceux qui affirment que le sexe se définit par le sexe social ou "genre" et non par le sexe biologique. Cette idéologie du genre existe bien (même si la nouvelle mode consiste à prétendre le contraire!) et a directement influencé des expérimentations ou législations étrangères, en particulier la possibilité en Argentine de choisir son sexe "social" (sentiment subjectif), quel que soit son sexe biologique (donnée objective, sauf cas, rares, d'hermaphrodisme).

 

Qu'en est-il en France?

De ce que j'en ai vu, l'"ABCD de l'égalité" ne se rattache pas à la théorie du genre (2) mais utilise les études sur le genre - ou théorie du genre (1) - afin de mieux lutter contre les stéréotypes de genre entendus comme synonymes de stéréotypes sexistes et pour l'égalité entre les sexes ("gender equality" étant synonyme de "sex equality" dans les conventions internationales). On ne peut donc que soutenir cette démarche, qui s'inscrit pleinement dans le projet de l'école républicaine.

Enfin, la théorie du genre (2) est marginale en France. Toute l'ambiguïté - sur laquelle jouent des personnes en réalité opposées à l'égalité des sexes - vient du fait que Judith Butler, pionnière des études sur le genre, est parallèlement sur cette position idéologique. Celle-ci semble en outre surreprésentée dans certaines associations féministes ou, surtout, lesbiennes/gays/bi/trans (par négation générale de la bipartition sexuelle, au-delà bien entendu des exceptions: hermaphrodisme/intersexuation).

La Ligne Azur destinée à informer et soutenir "toute personne qui se pose des questions sur son orientation sexuelle et/ou son identité de genre" contenait ainsi une section (retirée depuis) se rattachant bien à cette idéologie du genre:

Sexe biologique: organes génitaux (mâle, femelle), en lien avec l'anatomie. Ne définit pas nécessairement le sexe social d'une personne. Elle peut naître avec un corps féminin (organes génitaux femelles) et vivre avec un sexe social masculin (être masculine).
Identité de genre: sentiment d'être (plutôt) un homme ou (plutôt) une femme. Pour une partie des personnes, le sexe biologique coïncidera avec ce sentiment, c'est-à-dire qu'une femme au corps féminin se sentira femme par exemple. Mais pour d'autres, le sexe biologique et l'identité de genre ne coïncideront pas.
Sexe social: normes permettant d'identifier une personne comme (plutôt) féminine ou (plutôt) masculine (et par extension de déterminer si cette personne est un homme ou une femme).

L'immense paradoxe, c'est que cette idéologie du genre intériorise de fait les préjugés sexistes sur les valeurs féminines et les valeurs masculines, au lieu de lutter contre: un homme (biologique) ayant des valeurs dites féminines (préjugés sociétaux) serait ainsi selon eux une femme (sociale); inversement, une femme (biologique) ayant des valeurs dites masculines (préjugés sociétaux) serait ainsi selon eux un homme (social).

 

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