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29 avril 2017

Nicolas Dupont-Aignan a-t-il infléchi le projet de Marine Le Pen?

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© Geoffroy Van der Hasselt/AFP


Voici les principaux points du "contrat d'alliance de gouvernement" entre Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan, présenté ce samedi:

1. Ce que Marine Le Pen a repris du projet de Nicolas Dupont-Aignan:

-> accorder "une part fiscale complète pour chaque enfant en situation de handicap" et un montant de 200 € pour revaloriser l'allocation aux adultes handicapés (le projet de Marine Le Pen prévoyait déjà une revalorisation, mais non chiffrée);

-> exiger "un casier judiciaire vierge pour tout candidat à une élection";

-> reconnaître le vote blanc comme un suffrage exprimé.

2. Ce que Nicolas Dupont-Aignan a fait préciser par Marine Le Pen: la "contribution sociale sur les importations de 3%" (protectionnisme) sera progressive et ne concernera "que les produits qui concurrencent déloyalement la production française (dumping social, fiscal et environnemental)".

3. Ce que Nicolas Dupont-Aignan a fait retirer du projet de Marine Le Pen: le délai de séjour pour que les enfants d'étrangers puissent accéder gratuitement à l'école publique.

 

Marine Le Pen conserve en revanche bien les propositions qui constituent les marqueurs de l'extrême droite:
-> instaurer une préférence nationale (emploi et accès au logement social);
-> supprimer le droit du sol;
-> supprimer la double nationalité "extra-européenne";
-> réserver les allocations familiales aux seules "familles françaises";
-> instituer un délai de séjour pour que les étrangers puissent accéder gratuitement aux services publics (sauf, dorénavant, l'école);
-> expulser les étrangers en situation irrégulière parents d'enfants scolarisés en France;
-> remettre de fait en cause le droit d'asile (slogan "100% Front national, 0% migrants").

 

4. Marine Le Pen renonce par ailleurs à un délai de "six mois" pour renégocier les traités européens puis organiser un référendum d'appartenance à l'UE (en cas de réussite, elle appellerait à voter pour un maintien; en cas d'échec, elle militerait à l'inverse pour une sortie).

Il ne s'agit cette fois pas d'une concession au souverainiste Nicolas Dupont-Aignan, dont le projet présidentiel prévoyait également une dénonciation et une renégociation des traités européens, la France quittant l'Union européenne en cas d'échec. Il s'agit en revanche de rassurer une partie de l'électorat de droite attirée par son programme sur les thématiques régaliennes (justice, sécurité, immigration) et sociétales (abrogation de la loi Taubira), mais rebutée par l'antilibéralisme de ses propositions économiques, dont la sortie de l'euro est la conséquence.

28 avril 2017

Dupont-Aignan avec Le Pen, maladie ou symptôme?

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© Geoffroy Van der Hasselt/AFP


Nicolas Dupont-Aignan a annoncé, ce vendredi, une "alliance patriote et républicaine" avec Marine Le Pen.

Pourquoi un héritier du gaullisme en vient-ils à s'allier avec une candidate dont les racines partisanes sont autant l'anticommunisme que l'antigaullisme, celui de 1962 comme celui de 1940 (1)?

En réalité, l'alliance de Nicolas Dupont-Aignan avec Marine Le Pen n'est pas une maladie du gaullisme mais le symptôme de la maladie qui affecte le gaullisme.

La maladie du gaullisme, c'est le ralliement de la grande masse des héritiers du gaullisme à l'euro-libéralisme.

Comment ont-ils pu ratifier l'Acte unique européen de 1986 (2)?

Comment ont-ils pu successivement voter "oui" au traité de Maastricht en 1992 puis au traité constitutionnel européen en 2005?

Ils ont abandonné aux héritiers des antigaullistes le peuple, la nation et le social.

Ils ont laissé aux héritiers des antigaullistes le monopole du souverainisme ainsi que le quasi-monopole de la défense du modèle social français issu du Conseil national de la Résistance (3).

Les vrais responsables de ce choix historiquement paradoxal et donc incompréhensible de Nicolas Dupont-Aignan, ce sont eux.

 

(1) Les premiers bureaux politiques du FN regroupaient les différentes générations antigaullistes. Celle des militants de l'Algérie française: Roger Holeindre (ex-OAS) ou Jean-Marie Le Pen lui-même. Et celle de la Seconde Guerre mondiale: François Brigneau (ancien de la Milice française), Pierre Bousquet (ancien de la division SS Charlemagne) ou Victor Barthélémy (ancien du comité central de la Légion des volontaires français contre le bolchevisme et ex-secrétaire général du PPF de Jacques Doriot).
(2) Les députés FN n'avaient pas non plus voté contre à l'époque, cf. mon infographie.
(3) Défense du modèle social français qui fait dire à la grande masse des héritiers du gaullisme que Marine Le Pen aurait le même programme économique que Jean-Luc Mélenchon!

26 avril 2017

Sisyphe ou la dédiabolisation du FN

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Comme tout journaliste qui couvre le FN, je les connais bien. Je pense même qu'ils sont sincères, ces "nationaux-républicains", dont Florian Philippot est le héraut, qui estiment qu'aujourd'hui Marine Le Pen est la seule à porter les idées souverainistes et colbertistes abandonnées - ce qui est incontestable - par la grande masse des héritiers du gaullisme.

Mais vouloir sortir de l'extrême droite un parti enraciné à l'extrême droite n'est pas chose aisée.

Qualifiée au second tour de l'élection présidentielle, Marine Le Pen ambitionne de former un "large rassemblement des patriotes", qui pourrait rassembler des gaullistes (Nicolas Dupont-Aignan, Henri Guaino), des chevènementistes et certains mélenchonistes.
Dans cette perspective, elle a démissionné de la présidence du parti d'extrême droite. Ce poste est statutairement passé par intérim au premier vice-président, Jean-François Jalkh.

Né en 1957, l'intéressé est l'un des derniers frontistes "historiques" encore présents dans l'organigramme... puisqu'il a adhéré au Front national de la jeunesse en septembre 1974!
À une époque où le FNJ était structuré par des nationalistes révolutionnaires flirtant avec la mouvance néo-nazie. Mais Jean-François Jalkh, lui, ne sera ensuite pas proche de l'aile dure de ce courant (qui quittera le FN entre 1978 et 1981) mais de son aile "solidariste", moins radicale et représentée par Jean-Pierre Stirbois (la séparation stricte entre ces deux ailes s'opère entre 1975 et 1979).

La personnalité de Jean-François Jalkh vient donc rappeler au plus mauvais moment pour Marine Le Pen son enracinement à l'extrême droite.
Rien de surprenant, en effet, de retrouver une brève mentionnant sa participation à une "commémoration de la mort du maréchal Pétain", en 1991 (1):

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Plus surprenant, j'ai retrouvé cet article de 2005 (2) où le nouveau président par intérim du FN n'hésite pas à vanter "le sérieux", "la rigueur" et "l'argumentation" des négationnistes en citant Robert Faurisson: [N.B.: au téléphone, Jean-François Jalkh a démenti auprès de moi avoir à la fois tenu de tels propos et répondu aux questions de Magali Boumaza (3)]

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(1) À noter une erreur dans l'article: Bernard Tissier de Mallerais n'est pas "traditionaliste" mais intégriste, c'est-à-dire schismatique de l'Église catholique.

(2) Revue Le Temps des savoirs, numéro 7, "La Création", Odile Jacob, mars 2005.
La copie d'écran vient du site @rrêt sur images, n'étant pas techniquement parvenu à en réaliser une de l'ensemble de l'extrait.

(3) Auteure en 2002 d'une thèse sur Le FN et les jeunes de 1972 à nos jours: hétérodoxie d'un engagement partisan juvénile (pratiques, socialisations, carrières militantes et politiques à partir d'observations directes et d'entretiens semi-directifs).

 

 

 

 

25 avril 2017

La discrète offre d'alliance d'Alain Juppé à Emmanuel Macron

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Alain Juppé a été sans ambiguïté le soir du premier tour de l'élection présidentielle: "Sans hésiter, je choisis d'apporter mon soutien à Emmanuel Macron dans son duel avec l'extrême-droite".

Du coup, sa discrète offre de service à Emmanuel Macron est passée inaperçue:

"Il incombe maintenant à Emmanuel Macron de réussir le large rassemblement des Français.
J'attends qu'il précise son programme de réformes.
(...)
J'appelle tous les Français de bonne volonté à s'engager dans ce nouveau combat."

 

Dans cette déclaration, il ne s'agit en effet plus seulement de voter ponctuellement pour Emmanuel Macron et contre Marine Le Pen au second tour de cette élection présidentielle.
Il s'agit d'une véritable offre d'alliance pour participer à la construction d'une majorité de "large rassemblement" constituée par "tous les Français de bonne volonté" (sous-entendu: ceux qui appartiennent au "cercle de la raison" (1)) autour d'un "programme de réformes" (sous-entendu: de réformes libérales).

Cette position n'est pas étonnante. Au début de l'année 2015, Alain Juppé envisageait déjà une telle recomposition de la vie politique (prônée depuis longtemps par François Bayrou):

"Au niveau national, il faudra peut-être songer un jour à couper les deux bouts de l'omelette pour que les gens raisonnables gouvernent ensemble et laissent de côté les deux extrêmes, de droite et de gauche."
(Le Point)

Puis, durant la primaire organisée par Les Républicains, le maire de Bordeaux a renoncé à défendre cette idée. Ayant sans doute pris conscience qu'elle était trop en décalage avec les sympathisants de son parti (rappelons qu'à la primaire, auprès des seuls sympathisants LR, il n'avait obtenu que 18% au premier tour puis 15% au second cf. mon infographie).

 

(1) Notion théorisée en 1994-1995 par Alain Minc contre la candidature de Jacques Chirac. Élu après avoir défendu au premier tour l'"autre politique" séguiniste, Jacques Chirac a finalement impulsé une politique balladuro-juppéiste conforme au "cercle de la raison".

24 avril 2017

Emmanuel Macron: au centre ou à gauche?

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Selon que l'on classe la candidature d'Emmanuel Macron au centre ou à gauche, les analyses électorales divergent (cf. mes infographies depuis 1965).

Mon choix est de le classer au centre gauche, donc à gauche, pour quatre raisons:

1. Son parcours politique: conseiller à l'Élysée d'un président de la République de gauche (François Hollande) puis ministre de l'économie d'un gouvernement de gauche (celui de Manuel Valls).

2. Ses soutiens politiques: tous de gauche (PS, PRG) ou du centre (MoDem), à l'exception de seulement sept parlementaires de droite (un sénateur LR: Jean-Baptiste Lemoyne; un député UDI: Philippe Folliot; trois sénateurs UDI: Michel Canévet, Jean-Marc Gabouty et Christian Namy; deux parlementaires européens UDI ou ex-UDI: Jean Arthuis et Jean-Marie Cavada).

3. Son électorat (1):
-> composé à 46% d'électeurs de François Hollande en 2012 (de Nicolas Sarkozy: 17%; de François Bayrou: 16%)
-> a attiré 48% des électeurs de François Hollande en 2012 ayant voté au premier tour en 2017 (26% vers Jean-Luc Mélenchon, 16% vers Benoît Hamon)

4. La signification de sa candidature: Emmanuel Macron porte - en voulant aller certes plus loin - la ligne sociale-libérale majoritaire au sein du PS (70% au dernier congrès), celle qui a été suivie sous le quinquennat de François Hollande, de façon de plus en plus intense et assumée jusqu'aux lois Macron et El Khomri.
Celui qui l'incarnait à la primaire est Manuel Valls, qui fut d'ailleurs majoritaire auprès des seuls sympathisants PS (43% au premier tour, 52% au second cf. mon infographie). Mais, puisqu'il s'agissait d'une primaire ouverte, c'est Benoît Hamon qui a pu l'emporter. C'est tout le paradoxe de Benoît Hamon dans cette élection présidentielle: candidat officiel du PS, mais n'en portant qu'une ligne anti-libérale minoritaire (30% au dernier congrès). Il a donc été électoralement siphonné des deux côtés par des candidatures davantage cohérentes: sur sa droite par Emmanuel Macron, sur sa gauche par Jean-Luc Mélenchon.

 

(1) Sondage jour du vote réalisé par l'Ifop et Fiducial auprès d'un échantillon représentatif de 3 668 personnes pour Paris Match, CNews et Sud Radio.