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09 juin 2011

Marine Le Pen détaille son protectionnisme national

bp-mlp.jpgMarine Le Pen poursuit par petites touches la présentation détaillée du projet du FN à travers des conférences de presse thématiques. Au menu hier: le "réarmement face à la mondialisation", à travers "un État stratège fer de lance de la réindustrialisation, la conquête de la souveraineté monétaire et la création de protections intelligentes aux frontières". L'objectif affiché "est la création nette de 500 000 emplois dans l'industrie lors du prochain quinquennat, soit 100 000 par an".

Si la défense de la souveraineté nationale et la dénonciation de la mondialisation ou du libre-échangisme sont habituels, la référence à l'"État stratège" marque en revanche, sur le fond, une rupture avec les précédents programmes du FN, qui pourfendaient "l'étatisme". Le concept d'"État-stratège", dont la "planification à la française" mise en place à la Libération est l'expression la plus précise, a été élaborée en 1990 dans une thèse de Pierre Bauby sur "les marxistes et l'État dans la France contemporaine: contribution à une théorie de l'État-stratège".

En ce qui concerne les "protections aux frontière", c'est sur la forme, la plus détaillée et crédible possible, que le nouveau projet du parti d'extrême droite se veut en rupture avec les précédents. Avec un souci de pédagogie, le cœur de l'allocution de la présidente du FN fut ainsi consacré au mécanisme protectionniste d'"écluses douanières". Le but de ce mécanisme est de "rétablir des conditions normales de concurrence quand celle-ci est déloyale, du point de vue social, sanitaire ou environnemental", afin de passer du "libre-échange" au "juste-échange". Il vise donc en particulier les pays émergents, comme la Chine ou l'Inde. Il ne s'appliquerait en revanche pas "vis-à-vis des pays les plus pauvres du monde, africains notamment, parce que ces pays malheureusement n'ont pas les moyens de payer correctement leurs travailleurs et de leur offrir une vraie protection sociale".

Le FN ne détient toutefois pas le monopole de la promotion du protectionnisme et d'un autre commerce mondial, fondé non plus sur l'Organisation mondiale du commerce mais sur la Charte de La Havane, signée en 1948 mais jamais ratifiée par les États-Unis. C'est notamment le cas du Mouvement politique d'éducation populaire (M'PEP), créé par les anciens dirigeants d'ATTAC Jacques Nikonoff et Michèle Dessenne, ou d'Arnaud Montebourg, candidat à la primaire du PS, qui s'inspire comme Marine Le Pen des travaux de l'économiste Jacques Sapir sur la "démondialisation". Sans oublier le projet socialiste 2012, qui parle lui-même d'"écluses" et de "droits de douane au niveau européen sur les produits ne respectant pas les normes internationales en matière sociale, sanitaire ou environnementale".

Derrière cette apparente convergence se dissimule toutefois de réelles divergences. D'une part, la gauche précise que le produit de ces droits de douane "irait abonder un fonds dont les pays en développement seraient les premiers bénéficiaires", sur le modèle de ce que l'on appelle la "taxe Lauré" (Maurice Lauré, par ailleurs inventeur de la TVA). Tandis que pour l'extrême droite cet argent irait "pour moitié à la réduction des déficits, et pour moitié au financement d'un système de protection sociale et de retraite que nous souhaitons le plus juste et le plus efficace possible".

D'autre part, le FN n'envisage le protectionnisme qu'aux frontières nationales alors que le PS souhaite, comme le sociologue Emmanuel Todd, un protectionnisme aux frontières de l'Union européenne. Une "hypocrisie" aux yeux de Marine Le Pen, puisque cela consiste à vouloir "des droits de douane européens tout en refusant de remettre en cause le traité de Lisbonne, qui interdit formellement ces droits de douane". De toute façon, poursuit-t-elle, "nombre de délocalisations se font à destination des pays d'Europe de l'Est qui sont dans l'Union européenne". Une façon implicite d'avancer que la sortie de l'Union constitue le préalable à toute politique de réindustrialisation.

 

Laurent de Boissieu
La Croix, 10/06/2011 (version plus longue que celle publiée sur papier)

Au PS, Marine Le Pen voterait Montebourg

Réponse de Marine Le Pen à une de mes questions lors de sa conférence de presse sur le protectionnisme:

"Si je participais de la famille socialiste, je glisserais un bulletin pour Arnaud Montebourg"

20 mai 2011

Marine Le Pen prône la "naturalisation à points" et dénonce "les élites populophobes"

Entretien (avec ma participation) de Marine Le Pen:


affaire DSK, peine de mort, justice...

 


populisme, Europe, économie...

 

 
immigration, présidentielle, législatives, FN...

19 mai 2011

Le FN va présenter aux législatives un tiers de candidats extérieurs

http://www.la-croix.com/Actualite/S-informer/France/Le-FN...

Laurent de Boissieu, la-croix.com, 17/05/2011

02 mai 2011

Marine Le Pen promet un "printemps de la France" en 2012

Le passage du témoin se poursuit à l'extrême droite, avec, dimanche 1er Mai, le premier discours de Marine Le Pen à l'occasion du traditionnel "défilé de Jeanne d'Arc" du FN. Dorénavant président d'honneur, Jean-Marie Le Pen, toujours ovationné par les militants et sympathisants, a donc dû cette année se contenter de lancer La Marseillaise de clôture.

C'est de nouveau une volonté de rupture partielle avec l'ancienne ligne du FN qu'a affichée la présidente du FN, non sans prendre des risques face à l'auditoire classique de son parti. "Qu'on soit homme ou femme, chrétien, juif, musulman ou non croyant, hétérosexuel ou homosexuel, on est d'abord Français!", a-t-elle lancé devant la statue de Jeanne d'Arc érigée place des Pyramides. Tant pis pour les militants de plusieurs fédérations (Bourgogne, Centre, etc.) qui, quelques minutes auparavant, scandaient "Islam hors d'Europe!" ou "première, deuxième, troisième génération: nous sommes tous, des mangeurs de cochon".

Malgré les consignes strictes, de nombreux militants – sans même parler du Département protection sécurité (DPS), le service d'ordre du Front – avaient le crâne rasé et arboraient les marques anglaises fétiches de l'extrême droite radicale (Doc Martens, Lonsdale, Fred Perry). Paradoxalement, si l'absence de références ethno-raciales éloigne Marine Le Pen de la mouvance "identitaire", son social-étatisme la rapproche d'un autre courant ultra, le "nationalisme révolutionnaire". Plusieurs de ses figures étaient présents, en tant que membre du FN (Christian Bouchet) ou non (Serge Ayoub, autrefois connu sous le pseudonyme "Batskin" et refondateur du mouvement Troisième Voie).

Bien que la thématique de l'immigration soit toujours présente, elle a en effet cédé le pas à un discours social dénonçant la mondialisation ou l'ultralibéralisme et à un discours souverainiste – autour de la notion omniprésente de "liberté" – contre "les instances supranationales" (Union européenne, FMI) à l'extérieur et pour une "République référendaire" à l'intérieur. Marine Le Pen n'a d'ailleurs pas hésité à reprendre un vocabulaire marxiste pour qualifier l'immigration d'"armée de réserve du capitalisme". Des propos qui s'adressaient explicitement à plusieurs catégories sociales: retraités, artisans et commerçants (cités deux fois), agriculteurs ou pêcheurs (cités trois fois), ouvriers (cités trois fois), chômeurs, fonctionnaires (cités trois fois), mais aussi classes moyennes en voie de "prolétarisation". Bref, tout le spectre des électorats traditionnels du FN, du monde de la boutique des années quatre-vingt au monde de l'atelier des années quatre-vingt-dix jusqu'aux nouvelles cibles électorales de Marine Le Pen.

La présidente du FN a en outre enrôlé dans son allocution des personnalités dont l'hommage est inhabituel à l'extrême droite: de Victor Schœlcher, père de l'abolition de l'esclavage, à Charles de Gaulle (cité deux fois), ennemi irréductible des nostalgiques du régime de Vichy et de l'Algérie française, en passant par Charles Péguy et Condorcet. Marine Le Pen n'a toutefois pas osé prononcer au micro le nom de Robespierre, pourtant mentionné dans son discours écrit, évoquant simplement "un grand révolutionnaire".

Mais qu'importe pour la fille de Jean-Marie Le Pen si elle prend à contre-pied une partie de ses troupes, puisqu'elle entend avant tout s'adresser à l'ensemble des Français dans la perspective de la présidentielle de 2012. Car celle qui n'hésite pas à dire "quand je serai élue" à la tribune en est persuadée: "Dans un an, nous nous retrouverons, ici, entre les deux tours de l'élection présidentielle (…), nous serons à quelques jours du printemps de la France!".

 

Laurent de Boissieu
La Croix, 02/05/2011 (version légèrement modifiée)