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18 décembre 2009

Identité nationale : ma contribution au débat sur le débat

Fallait-il lancer un débat sur l'identité nationale ?

La question de l'identité nationale n'était bien entendu ni la priorité politique du moment ni la préoccupation prioritaire des Français en 2009-2010. Il est par ailleurs évident qu'en lançant ce débat Nicolas Sarkozy cherche à en tirer deux avantages politiques personnels :
- tenter de garder captif l'électorat issu du FN qui a voté pour lui lors de l'élection présidentielle de 2007.
- tenter de détourner l'attention du problème numéro un : le chômage et la paupérisation des perdants de la globalisation financière - sur la géographie sociale de la France d'aujourd'hui, lire la synthèse de Gaël Brustier et Jean-Philippe Huelin : Recherche le peuple désespérément (Bourin Éditeur, 2009).

 

Pour autant, au-delà de ces considérations politiciennes, ce débat, bien que non prioritaire, me semble pertinent. Même si, malheureusement, il était vicié à la base en raison de l'intitulé du ministère successivement occupé par Brice Hortefeux puis Éric Besson : ministère de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire. Que l'identité nationale apparaisse dans l'intitulé d'un ministère ne me choque pas outre mesure; en revanche, qu'il soit accolé au ministère de l'Immigration change le sens qu'on lui donne (il en est de même pour le codéveloppement, de fait réduit à la question de l'immigration). Associer identité nationale et immigration, c'est en effet tourner de façon défensive l'identité nationale vers l'extérieur. Alors que la question de l'identité nationale devrait être tournée de façon offensive vers l'intérieur. Vers ces Français nés en France qui ne se sentent pas Français et qui, un soir de match de football de leur équipe nationale, soutiennent une équipe étrangère. Vers ces Français que regardent comme des étrangers ou que renvoient sans cesse à leur origine supposée, en raison de la couleur de leur peau, d'autres Français.

Il aurait donc été plus logique d'associer identité nationale et éducation nationale ou culture, d'autant plus que le décret relatif aux attributions du ministère précise qu'"il participe, en liaison avec les ministres intéressés, à la politique de la mémoire et à la promotion de la citoyenneté et des principes et valeurs de la République". Car si l'identité nationale ne peut bien entendu pas être définie et fixée par la loi, elle repose selon moi sur deux piliers. D'une part, le patrimoine historique, culturel, gastronomique, architectural etc. de la nation. D'autre part, l'identité politique de la France, c'est-à-dire l'État-nation républicain (ou jacobin), qui subit justement depuis plusieurs décénnies les tirs croisés de la mondialisation, de la décentralisation, du supranationalisme européen et du communautarisme. Le tout dans un contexte de montée masochiste de la "francophobie" (initiée en 1981 par L'Idéologie française de Bernard-Henri Lévy). Bref, il n'était sans doute pas inintéressant de nous interroger sur ce qui constitue aujourd'hui l'identité de la France - dit autrement : son patrimoine, ses valeurs et ses principes - et ce que signifie aujourd'hui être Français. S'interroger non pour exclure mais pour intégrer, pour conforter la concorde, la cohésion et l'unité nationales, pour refonder la République indivisible, laïque, démocratique et sociale autour de sa devise : "liberté, égalité, fraternité".

 

Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y ait pas de lien entre identité nationale et immigration. L'identité n'est en effet pas un concept figé : le patrimoine national s'enrichit aussi au fil des siècles de l'immigration. Tandis que l'immigration doit être régulée afin de permettre l'assimilation des immigrés qui expriment la volonté d'intégrer la communauté française. Or la question politique autour de l'identité nationale n'est pas aujourd'hui celle d'une menace à cause d'une arrivée massive d'étrangers souhaitant s'installer en France. Non, la question politique autour de l'identité nationale est celle de la non-imprégnation d'une partie des Français par cette identité. De fait majoritairement d'origine étrangère, puisque ces Français vivent dans les quartiers où les logements étaient financièrement accessibles aux travailleurs immigrés, mais pas seulement : le petit Pierre de ces quartiers n'est pas forcément plus francisé que le petit Mohammed, et en tout cas ne maîtrise pas plus que lui les codes sociaux nécessaires à une intégration douce dans la vie sociale et professionnelle. Ce qui souligne, d'un côté, l'absurdité du discours d'extrême droite prônant un retour dans le pays d'origine de leurs parents ou grands-parents, dont ces déracinés de l'intérieur ne sont pas davantage imprégnés de l'identité. Et ce qui souligne, d'un autre côté, l'arnaque des concepts de diversité raciale et de discrimination positive, qui visent à détourner la question sociale (ascenseur social en panne, précarisation des classes populaires, paupérisation des classes moyennes, etc.) vers un leurre : une supposée question raciale visuellement facile à traiter (il suffit de saupoudrer ci et là d'un peu de blacks et de beurs la télévision ou les candidatures aux élections) - lire à ce sujet le livre de Walter Benn Michaels, La diversité contre l'égalité (Raisons d'agir, 2009).

 

 

Faut-il arrêter le débat sur l'identité nationale ?

 

Le fait est que, sur le terrain, les débats sur l'identité nationale se focalisent souvent sur l'immigration et dérapent trop souvent à travers l'énoncé de propos islamophobes. Pour une partie de la France d'en haut, il faut donc arrêter le débat, cacher cette fraction du peuple qu'elle ne saurait voir et rabattre le couvercle sur la marmite...au risque d'une explosion aux prochaines élections.

Or, d'après moi, les symboles de la République ont trop longtemps été abandonnés à l'extrême droite. Malgré les tentatives d'un Jean-Pierre Chevènement à gauche ou d'un Philippe Séguin à droite de les conserver entre des mains qui, elles, ne les dénaturent pas. Reconnaissons à Nicolas Sarkozy la même volonté, même si, paradoxalement, sa parole et ses actes vont parfois à l'encontre de notre identité nationale (1). Stopper aujourd'hui le débat sur l'identité nationale, c'est-à-dire de fait laisser de nouveau au FN le monopole de la nation, serait donc pire que tout.

Cette France qui pense - pour résumer - qu'un Français ne peut pas être de confession musulmane existe. Il ne s'agit pas de refuser un débat qui lui donne la parole, mais, au contraire, de relever le défi de la citoyenneté et de la raison en se saisissant de ce débat pour lui expliquer en quoi et pourquoi elle se trompe.

 

(1) volonté de rompre avec le modèle social français issu du programme du Conseil national de la Résistance, promotion de la discrimination positive, invention de la "laïcité positive" remettant en cause la laïcité, politique fiscale néolibérale etc.

17 décembre 2009

La France pourrait adopter des règles budgétaires plus contraignantes

bce.jpgNicolas Sarkozy a annoncé lundi dernier la tenue, en janvier, d'une "conférence sur le déficit de la France" afin d'avancer "des propositions pour sortir de la spirale du déficit et de l'endettement". Sans se prononcer aujourd'hui, le président de la République a notamment souhaité que le débat sur l'opportunité d'adopter des règles budgétaires contraignantes ait lieu.

 

Qu'est-ce que la "règle d'or" ?

Une première définition, libérale, de la "règle d'or" budgétaire consiste à atteindre l'équilibre budgétaire sans recourir à l'emprunt. "Surtout point de banqueroute, point d'augmentations d'impôts, point d'emprunts, avaient échangé Louis XVI et Turgot en 1774 (1). Pour remplir ces trois points, il n'y a qu'un moyen : c'est de réduire la dépense au niveau de la recette."

Une seconde définition, plus souple, n'autorise le recours à l'emprunt que pour financer des dépenses d'investissement. Telle est la règle adoptée en 1969 dans la Loi fondamentale allemande : "Le produit des emprunts ne doit pas dépasser le montant des crédits d'investissements inscrits au budget ; il ne peut être dérogé à cette règle que pour lutter contre une perturbation de l'équilibre économique global." Cette dernière définition n'interdit donc pas de mener une politique économique de relance keynésienne par l'investissement public.

 

Qu'en est-il en France ?

"Je ferai en sorte qu'à l'avenir il soit interdit de financer les dépenses de tous les jours par de la dette", s'était engagé Nicolas Sarkozy dans son projet présidentiel. Parallèlement, l'UMP proposait dans son contrat de législature 2007-2012 "d'inscrire dans la Constitution ou dans la loi organique relative aux lois de finances la “règle d'or” selon laquelle le déficit des finances publiques n'est autorisé que pour financer des dépenses d'investissement".

Ces promesses n'ont pas été tenues, la révision constitutionnelle de juillet 2008 s'étant contentée d'introduire "l'objectif d'équilibre des comptes" dans le cadre d'orientations pluriannuelles des finances publiques.

Au sein de la majorité, le Nouveau Centre a immédiatement réagi aux propos de Nicolas Sarkozy pour rappeler qu'il considère "toujours comme une priorité absolue d'inscrire dans le marbre de la Constitution le principe de l'interdiction de présenter le budget de l'État en déficit de fonctionnement".

 

Quelles sont les autres règles budgétaires contraignantes ?

L'introduction de l'euro s'est accompagnée d'une interdiction d'un déficit public supérieur à 3% du PIB. Une interdiction qui a bien entendu volé en éclats avec la crise. Cette année, l'Allemagne est toutefois allée encore plus loin en adoptant dans sa Loi fondamentale la règle d'un déficit maximum de 0,35% du PIB à partir de 2016.

Ce choix libéral a été évoqué en France aussi bien par Nicolas Sarkozy (2) que par la commission coprésidée par Alain Juppé (UMP) et Michel Rocard (PS). Estimant que "les règles législatives actuelles, comme les règles européennes, ne suffisent pas en elles-mêmes à garantir le retour à une trajectoire soutenable de nos finances publiques", les deux anciens premiers ministres se réfèrent en effet aux nouvelles règles allemandes pour affirmer que "la question d'une règle de portée supra-législative mérite d'être posée également en France".

 

Laurent de Boissieu

© La Croix, 15/12/2009

(1) je laisse aux historiens la tâche de trancher si ces propos ont été tenus par Louix XVI ou Turgot, puisqu'apparemment il y a divergence...

(2) Nicolas Satkozy : "La Commission d'Alain Juppé et de Michel Rocard recommande dans son rapport d'ouvrir un débat sur l'opportunité de mettre en place dans notre pays une règle budgétaire pour revenir à l'équilibre des comptes publics. Nos amis allemands ont ainsi pris l'engagement de ramener leur déficit à 0 en 2016 si les conditions économiques sont normales. Cette règle en Allemagne est même inscrite dans la Constitution. Je ne me prononcerai pas aujourd'hui sur une telle disposition, mais je souhaite que ce débat ait lieu. Et c'est pour cela que se tiendra la conférence sur le déficit de la France que nous mettrons en place en janvier et que nous terminerons dans les semaines et mois qui suivent et qui débattra des propositions pour sortir de la spirale du déficit et de l'endettement. Le gouvernement sera naturellement très ouvert à toute proposition et pourquoi pas, s'inspirer de ce que font nos amis allemands compte tenu de la proximité de nos liens avec eux"

 

Mon commentaire :

- il n'est pas facile de distinguer dans le budget de la nation les dépenses de fonctionnement et les dépenses d'investissement : le traitement des fonctionnaires dans les domaines de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur, de la recherche, de la santé etc. constituent autant des dépenses de fonctionnement que des dépenses d'investissement.

- il est antidémocratique d'inscrire dans le marbre d'une Constitution une orientation économique (en l'occurence néolibérale), dont le choix, en démocratie, doit relever du débat électoral et du verdict des urnes.

16 décembre 2009

La bouillie digeste de Nadine Morano

À force de crier au loup, on finit par faire perdre aux mots leur sens. Ainsi en est-il de la petite phrase de Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la Famille et de la Solidarité, lors d'un débat sur l'identité nationale, à Charmes, dans les Vosges (ci-dessous). Selon le député PS Arnaud Montebourg, tenir de tels propos, "c'est renouer avec la conception ethnique de la nation, celle qui d'ailleurs a donné lieu finalement à Vichy" (au passage, Arnaud Montebourg aurait bien besoin d'un petit cours d'histoire de rattrapage).

Je suis d'accord avec Daniel Schneidermann pour dire que, dans son intervention, Nadine Morano "a de la bouillie dans la tête". La ministre mélange en effet un peu tout. Je rappelle toutefois, à sa décharge, qu'il ne s'agit pas d'un discours écrit, construit, mais d'une réponse au tac au tac à une question ouvertement arabophobe et islamophobe. Dans cette "bouillie", il y a en effet un raccourci malheureux jeune de quartier difficile/jeune musulman/jeune immigré. Mais, sur le fond, Nadine Morano a raison de dire - avec ses mots, certes (le verlan et la casquette à l'envers) - que si les jeunes de ces quartiers ont davantage de mal à trouver du travail que les autres, ce n'est pas avant tout à cause d'une discrimination raciale mais c'est avant tout parce qu'ils ne maitrisent pas toujours les codes sociaux nécessaires à leur intégration professionnelle. Qu'il s'appelle Mohammed et qu'il soit fils de travailleur immigré ou qu'il s'appelle Pierre et qu'il soit fils d'ouvrier.

Ceux qui, en revanche, se rallient à une "conception ethnique de la nation", ce sont tous ceux qui remplissent leur discours de références à la diversité raciale, à la discrimination dite positive ou aux statistiques ethniques.

 

15 décembre 2009

Un grand débat pour un petit emprunt

emprunt.jpgNicolas Sarkozy a fixé hier les priorités de son "grand emprunt" ...en réalité "petit emprunt" puisqu'il ne portera finalement que sur 22 milliards d'euros (or je rappelle que les émissions de dette de la France sont de toute façon estimées l'an prochain à 175 milliards d'euros).

Mais ne boudons pas notre plaisir. Être journaliste, c'est ne pas être partisan. Mais être journaliste, ce n'est pas non plus ne pas avoir de convictions en tant que citoyen. Ce blog me permet d'ailleurs de commenter l'actualité, ce que je ne fais pas dans mes articles pour La Croix (1). Bref, je suis personnellement heureux de ce pas dans la (bonne) direction d'une politique d'investissements publics de long terme. Même si on peut toujours dire qu'elle ne va pas assez loin ou qu'il aurait fallu la lancer il y a longtemps (toute l'habileté d'Henri Guaino ayant justement consisté à saisir l'opportunité de la mise entre parenthèse des contraintes budgétaires européennes en raison de la crise pour convaincre Nicolas Sarkozy de cette amorce d'"autre politique" économique).

Quoi qu'il en soit, autant j'ai été satisfait d'entendre certains propos dans la déclaration introductive du président de la République, autant j'ai été attéré par certaines de ses réponses aux questions de mes confrères. Deux passages me semblent particulièrement édifiants. Je vous en livre un extrait puis mon commentaire.

 

Question : (...) est-ce un retour à la planification ?
Nicolas Sarkozy : (...) pourquoi faire de l’idéologie (...) La planification, c’est trois personnes dans un bureau qui définissent dans leur coin leur système
(2). Suivant les travaux d’Alain Juppé et de Michel Rocard, nous vous annonçons 60 Mds€ puisqu’il y a 35 Mds de public et 25 Mds de privé. C’est le contraire de l’esprit de système, c’est absolument le contraire (...)

Mais pourquoi donc ce refus de Nicolas Sarkozy d'assumer son - petit - volte-face dirigiste ? C'était pourtant une occasion inespérée pour lui, qui se dit gaulliste, de rattacher un volet de sa politique au gaullisme en général et à l'"ardente obligation" du Plan en particulier ! Car il s'agit bel et bien de planification lorsque le président de la République déclare que "l'exigence d'aménagement du territoire impose l'intervention d'un schéma de déploiement du très haut débit arrêté par l'État" puisque "l'initiative privée ne peut y suffire". Comble de la contradiction, Nicolas Sarkozy a explicitement opéré dans son allocution un parallèle avec le plan de rattrapage du téléphone (3), préparé dès 1967 et mis en œuvre dans le cadre du septième Plan de développement économique et social (1976-1980). Chassez le Guaino du discours, et le vrai Sarkozy ressort...

 

Question : Compte tenu de la difficulté, de la gravité des finances publiques, est-ce que vous excluez toujours de revenir sur un certain nombre de baisse d’impôts, d’avantages fiscaux (...) le bouclier fiscal ?
Nicolas Sarkozy : (...) est-ce que vous avez conscience que l’on est en Europe ? Non, parce que c’est un point important. La France est le deuxième pays d’Europe. La France est dans sa famille en Europe. Quel est le premier pays d’Europe ? L’Allemagne (...) L’Allemagne a un bouclier fiscal et le bouclier fiscal est inscrit dans la Constitution (...) Pourquoi l'Europe devrait-elle se traduire que par de mauvaises nouvelles pour les Français et que des bonnes pour les autres. Si vous êtes Président de la République en France, vous souhaitez donner à votre pays les mêmes atouts que ceux des Allemands. Si les socialistes allemands dans la campagne, ils viennent de sortir d'une campagne de législative, n'ont pas proposé la suppression du bouclier fiscal allemand. Et quand M. Schroeder, socialiste allemand, était au pouvoir, deux mandats si mon souvenir est exact, il a gardé le bouclier fiscal, pourquoi voudriez-vous en priver les Français ? (...) Comment garder notre pays, un capitalisme de production, si on fait le contraire des autres, je ne parle pas de la Chine, de l'Inde, je ne parle pas des émergents, je parle de la famille européenne (...)

Nicolas Sarkozy a raison : la mise en concurrence des systèmes fiscaux et sociaux des États membres de l'Union européenne conduit mécaniquement à une politique néolibérale - et donc à une harmonisation sociale vers le bas - afin de survivre aux menaces de délocalisation du travail et d'évasion du capital. Mais Nicolas Sarkozy ne dit pas la vérité : il a toujours défendu le bouclier fiscal à 50% des revenus non pas en raison du marché unique européen mais par dogmatisme néolibéral : "Je ne toucherai pas au bouclier fiscal car je crois au principe selon lequel on ne peut prendre à quelqu'un plus de la moitié de ce qu'il gagne, a-t-il réaffirmé mi-octobre dans Le Figaro. Si on laisse passer une exception, comme par exemple la CSG, ce n'est plus un bouclier".

 

(1) où, conformément à la déontologie journalistique, nous séparons strictement ce qui relève de l'analyse (les articles des rédacteurs spécialisés) et ce qui relève du commentaire (les éditoriaux des rédacteurs en chef)

(2) Henri Guaino, ancien commissaire général au Plan, a dû apprécier...

(3) Nicolas Sarkozy : "Au fond, il s'agit de faire pour le haut débit, ce que notre pays a fait avec un peu de retard dans les années soixante-dix pour le téléphone"

16 novembre 2009

François Fillon, entre centralisation et décentralisation

Un jeu de ping-pong s'est mis en place depuis plusieurs mois entre l'État et les collectivités locales autour de la volonté réformatrice. Dernier échange : le discours de François Fillon, aujourd'hui, à La Défense (Hauts-de-Seine), devant l'ensemble des acteurs de la réforme de l'administration territoriale de l'État. Objectif du premier ministre : rappeler avec force que les services déconcentrés de l'État sont, eux aussi, concernés par la révision générale des politiques publiques, lancée après l'élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République (1).

Ce discours est d'autant plus nécessaire que l'exécutif met en avant l'exemple de la réforme de l'État pour vendre auprès des élus locaux son projet de réforme des collectivités locales. "Prétendre que les collectivités territoriales pourraient rester à l'écart de l'effort de modernisation du pays, qu'elles ne doivent pas contribuer à la réduction de notre dépense publique et de nos déficits alors que l'État s'endette, et donc la collectivité nationale, pour assurer leur équilibre financier, qu'elles peuvent continuer, indépendamment de tout transfert de compétence, à créer plus d'emplois publics que l'État n'en supprime, ce serait un déni de la réalité et une fuite devant nos responsabilités communes", a encore argumenté Nicolas Sarkozy, le 20 octobre dernier, à Saint-Dizier (Haute-Marne).

Une action et un discours qui ne convainquent cependant pas ceux des élus qui souhaitent poursuivre jusqu'au bout la décentralisation. "Pour que l'État se réforme, il doit abandonner l'action territoriale qui a été transférée aux collectivités locales", plaide ainsi le député PS Alain Rousset, président du conseil régional d'Aquitaine et de l'Association des régions de France. "En France, l'État continue à s'occuper de l'action locale. Il doublonne les compétences qui sont celles des collectivités territoriales", insiste celui qui vient de publier un livre d'entretien avec le sociologue Jean Viard (2). De fait, l'augmentation des impôts locaux et de la fonction publique territoriale s'inscrit dans la logique de la décentralisation... à condition bien entendu que les impôts nationaux et la fonction publique d'État diminuent parallèlement !

Il n'en reste pas moins vrai que c'est l'État qui est comptable devant la commission européenne de l'ensemble du déficit public (3% du PIB maximum) et de la dette publique (60% du PIB maximum) au sens de Maastricht, collectivités locales comprises. Et que l'identité de la France, de la monarchie capétienne à la République, est centralisatrice et uniformatrice. Dans son discours, François Fillon a d'ailleurs dû jouer l'équilibriste pour, à la fois, vanter le nouveau principe de la "modularité" impliquant qu'"il n'y aura plus une organisation unique sur tout le territoire", tout en se réclamant de la "philosophie politique" de Philippe Le Bel ou de Michel Debré. Entre centralisation et décentralisation, l'ancien séguiniste devenu sarkozyste semble toujours hésiter.

 

Laurent de Boissieu

http://www.ipolitique.fr

 

(1) François Fillon a donné en 2007 un coup d'accélérateur à la réorganisation territoriale amorcée en 2004 par Jean-Pierre Raffarin. De plus de trente-cinq directions, services ou délégations concourant à l'exercice des missions de l'État au niveau régional et départemental, la réforme en cours aboutira à la création d'une douzaine de structures. Huit régionales : direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail, de l'emploi (DIRECCTE); direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL); direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS); direction régionale des finances publiques (DRFiP); direction régionale des affaires culturelles (DRAC); direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture, de la Forêt (DRAAF); rectorat; agence régionale de santé (ARS). Quatre ou cinq départementales : direction départementale des territoires; direction départementale de la protection des populations; direction départementale des finances publiques (DDFiP); inspection académique; éventuellement, sur proposition du préfet de région, direction départementale de la cohésion sociale.

(2) Ce que régions veulent dire, Éd. de l'Aube, 2009, 152 p., 15 €