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25 novembre 2010

Les radicaux quittent la direction de l'UMP

dr.jpgLes grandes manœuvres se poursuivent dans la majorité. Alors que Jean-François Copé a succédé la semaine dernière à Xavier Bertrand au poste de secrétaire général de l'UMP, Jean-Louis Borloo, président du Parti radical, a fait savoir mercredi qu'il quittait la vice-présidence du conseil national de l'UMP. "C'est une décision cohérente avec celle qu'il a prise de ne plus appartenir au gouvernement, c'est la même démarche qui lui permet de retrouver sa liberté de parole et de proposition", décrypte le radical Laurent Hénart. Jean-Louis Borloo, qui s'est installé au siège historique du parti, place de Valois, à Paris, s'exprimera le 9 décembre à l'occasion d'un "dîner de la République", précédé d'une "convention sur les valeurs de la République".

Le bureau national du Parti radical, qui s'est réuni mercredi, a également pris deux "décisions unanimes". D'une part, qu'"aucun radical ne participera à l'exécutif de l'UMP" et, d'autre part, qu'un congrès sera organisé "début 2011", au cours duquel les radicaux "valoisiens" réexamineront la nature de leur relation avec l'UMP. "On va clairement vers une indépendance dans la majorité présidentielle", a précisé Laurent Hénart. Composante de l'UDF entre 1978 et 2002, le Parti radical est depuis 2002 membre fondateur et associé de l'UMP. Prendre son indépendance rendrait possible, dans la perspective d'une refondation du centre droit pour la présidentielle de 2012, un rapprochement avec le Nouveau Centre d'Hervé Morin.

Face à ces forces centrifuges, Jean-François Copé a réaffirmé au même moment sa volonté de réaliser "l'union sacrée" entre toutes les sensibilités de l'UMP. Le nouveau secrétaire général a ainsi promis la mise en place d'un "trio" ou d'un "duo" les incarnant "sur l'ensemble des fonctions essentielles de la vie du parti". Un partage de responsabilités qu'il a déjà mis en œuvre au secrétariat général, où il est entouré de deux adjoints: le "libéral" Hervé Novelli et le "centriste" Marc-Philippe Daubresse. "Les radicaux ont toute leur place dans l'UMP et doivent s'inscrire dans ce partage des responsabilités", a tenu à souligner Jean-François Copé.

Reste à savoir sur quelle base s'effectuera l'expression de cette diversité interne, puisque, contrairement au PS, aucun vote des adhérents ne permet de définir le périmètre et la représentativité des courants. Or, ces derniers sont actuellement organisés au sein de l'UMP à des degrés très divers:

  • partis fondateurs et associés: le Parti radical de Jean-Louis Borloo et le Parti chrétien-démocrate de Christine Boutin

  • clubs associés: "Les Réformateurs" (Hervé Novelli, Gérard Longuet), "Le Chêne" (Michèle Alliot-Marie), "Génération France" (Jean-François Copé, Christian jacob)...

  • collectifs de parlementaires: "Les parlementaires centristes de l'UMP" (Marc-Philippe Daubresse, Pierre Méhaignerie, Christian Kert, Fabienne Keller), "La droite populaire" (Thierry Mariani, Lionnel Luca, Philippe Meunier) ou "République et Territoires" (Jean-Pierre Raffarin)

 

Laurent de Boissieu
La Croix, 25 novembre 2010

24 novembre 2010

UMP: les courants ont-il un sens?

L'origine partisane des responsables et élus de l'UMP a-t-elle encore un sens?

Non, répondait Christian Jacob, élu mardi président du groupe UMP à l'Assemblée nationale.

Oui, est en train de le montrer Jean-François Copé, nouveau secrétaire général de l'UMP, à travers l'organigramme qu'il entend mettre en place.

Ex-RPR, Jean-François Copé s'est d'abord entouré de deux secrétaires généraux adjoints: un ex-UDF, Marc-Philippe Daubresse, et un ex-DL, Hervé Novelli. Ensuite, il devrait annoncer ce matin, au bureau politique de l'UMP, le principe d'une collégialité des fonctions internes autour d'un ex-RPR, d'un ex-UDF et d'un ex-DL.

Il s'agit en réalité d'un retour à l'équilibre rompu en avril 2008 en ce qui concerne les hauts postes de direction:

  • ex-RPR: Alain Juppé (président 2002-2004), Nicolas Sarkozy (président 2004-2007), Patrick Devedjian (secrétaire général)
  • ex-UDF: Philippe Douste-Blazy (secrétaire général 2002-2004), Pierre Méhaignerie (secrétaire général 2004-2007), Dominique Paillé (secrétaire général adjoint)
  • ex-DL: Jean-Claude Gaudin (vice-président 2002-2007), Philippe Cochet (secrétaire général adjoint)

 

Ce retour, de fait, des anciennes étiquettes politiques a-t-il un sens? Oui et non.

Oui, car il existe effectivement des sensibilités réelles au sein de l'UMP, comme je l'ai montré dans la première partie de ma radioscopie des députés UMP.

Non, car ces sensibilités ne correspondent pas exactement aux anciens partis politiques, comme je l'ai montré dans la seconde partie de ma radioscopie des députés UMP :

  • les ex-DL forment un ensemble relativement homogène
  • les ex-UDF forment un ensemble relativement homogène
  • les ex-RPR, en revanche, forment un ensemble très hétérogène

Hormis une dernière frange résiduelle de gaullistes orthodoxes - autoritaires et sociaux - les ex-RPR pourraient en effet se disperser entre des "sociaux" qui s'allieraient aux-UDF et des "libéraux" qui s'allieraient au ex-DL, cette aile la plus libérale étant elle-même divisée entre un pôle libéral-libertaire et un pôle libéral-autoritaire.

 

Rappel des équilibres entre les anciennes étiquettes partisanes:

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15 novembre 2010

Nouveau gouvernement Fillon: 90% d'UMP et 52% d'ex-RPR

  sortants entrants
UMP ex-RPR 14

30

37%

79%

16

28

52%

90%

ex-DL 5 13% 2 6%
ex-UDF 2 5% 1 3%
ex-non encartés 6 16% 6 19%
ex-société civile 2 5% 2 6%
ex-PS 1 3% 1 3%
Nouveau centre 3 8% 1 3%
en congé du MoDem 1 3% 1 3%
société civile 1 3% 1 3%
Gauche Moderne 1 3 3% 8% 0 0 0% 0%
ouverture à gauche 2 5% 0 0%
  38   31  

source : France-politique.fr

 

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11 novembre 2010

Jean Charbonnel: le "gaullisme de progrès"

J'ai rédigé cette semaine, dans La Croix, deux portraits (pour la rubrique "Que sont-ils-devenus?") d'anciens ministres du général de Gaulle. Après Philippe Dechartre, voici celui de Jean Charbonnel, publié mercredi.

 

Le 8 janvier 1966, De Gaulle le nomme au gouvernement
Au mois de décembre 1965, le chef de l'État demande à voir en tête-à-tête Jean Charbonnel, élu trois ans plus tôt député de la circonscription de Brive. "Sous prétexte de mieux me connaître, il me faisait, en fait, passer un examen de passage, se souvient le futur ministre. D'abord paralysé par la timidité, j'ai vu devant moi le président de la République, mais j'ai aussi vu l'homme, qui s'est enquis, en me mettant à l'aise, de mon parcours personnel et politique. Il manifesta pour moi une bienveillance grand-paternelle, et j'éprouvai vite un grand honneur et une grande joie à travailler près de lui." Un mois plus tard, Jean Charbonnel devient en effet secrétaire d'État chargé de la Coopération.

 

Ancien secrétaire d'État chargé de la Coopération sous De Gaulle (1966-1967) puis ministre du Développement industriel et scientifique sous Pompidou (1972-1974), Jean Charbonnel déborde encore d'activités. Agrégé – et passionné – d'histoire, il court de colloques en colloques: "De Gaulle et Paris", animé par son ami Gilles Le Béguec les 24 et 25 novembre, puis "De Gaulle et l'Afrique", organisé les 2 et 3 décembre par la Fondation Charles-de-Gaulle.

Surtout, militant fidèle du gaullisme, Jean Charbonnel préside toujours, à 83 ans, un mouvement politique: la Convention des gaullistes sociaux pour la Ve République, qui possède une poignée d'élus municipaux. "Tant que Dieu me prête vie, j'ai bien l'intention de continuer à m'occuper de la cité, et donc à garder une activité politique", explique-t-il.

De cette double casquette, de militant et d'historien (1), Jean Charbonnel tire une fidélité indéfectible à une certaine idée du gaullisme, loin de ceux qui n'y voient qu'une "attitude" ou un "pragmatisme" sans contenu doctrinal. Ce souci fut l'objet, dès avril 1970, premier anniversaire du départ du Général, d'une tribune intitulée "La légende et l'héritage", publiée dans la presse puis diffusée par l'UDR, dont il était l'un des dirigeants. "J'étais et je reste absolument convaincu que le gaullisme n'est pas mort avec De Gaulle", martèle-t-il encore aujourd'hui. Gaulliste social, il travaille justement à un nouveau livre afin de "ne pas laisser enfermer Charles de Gaulle dans des commémorations ou dans des musées" et de "rétablir la vérité sur le gaullisme".

Même si Jean Charbonnel fut l'initiateur de l'opération des "jeunes loups" aux élections législatives de 1967, point de départ de l'émergence politique de Jacques Chirac, sa fidélité à une certaine idée du gaullisme entraîna une rupture entre les deux hommes: le "gaulliste de progrès" fut écarté en 1975 d'une UDR prise en main par  son "compatriote corrézien". Jean Charbonnel reproche toujours à l'ancien premier ministre de Valéry Giscard d'Estaing sa "trahison" envers Jacques Chaban-Delmas, à l'élection présidentielle de 1974. De fait, il n'a jamais voté en faveur de Jacques Chirac, soutenant Michel Debré en 1981, Raymond Barre en 1988 (avant de participer à l'ouverture de François Mitterrand et Michel Rocard), Édouard Balladur en 1995, puis Jean-Pierre Chevènement en 2002.

C'est d'ailleurs un chiraquien, Bernard Murat, qui l'a successivement battu aux élections législatives de 1993 puis aux municipales de 1995. Depuis, le socialiste Philippe Nauche a remplacé Bernard Murat en s'alliant avec le gaulliste "charbonnelliste" Étienne Patier (petit-fils d'Edmond Michelet), devenu maire-adjoint.

En 2007, enfin, l'ancien maire de Brive a soutenu Nicolas Sarkozy. "C'est le premier gouvernement qui renoue avec la politique industrielle", se félicite celui qui a été reçu en mai dernier à Bercy par Christian Estrosi, l'actuel ministre de l'Industrie. L'occasion pour ce dernier de dévoiler son "admiration" pour Georges Pompidou et Jean Charbonnel, "le tandem qui, en deux ans, a lancé le programme électronucléaire, le projet spatial (Ariane) et les lignes à grande vitesse (TGV)".

Ce soutien n'empêche pas Jean Charbonnel d'émettre aujourd'hui de "fortes réserves" sur la "pratique présidentialiste" des institutions par Nicolas Sarkozy et sur le retour de la France dans le commandement intégré de l'Otan. L'ancien ministre se remémore des mots prononcés lors du conseil des ministres "historique" du 9 mars 1966, dont il est l'un des rares survivants. "La décision que je vous demande est importante, avait solennellement exposé le général de Gaulle. Si vous la prenez, vous conforterez notre force de dissuasion et pourrez ainsi avoir la certitude de léguer la paix à vos enfants. Je vous demande une adhésion personnelle. Ceux qui ne seraient pas d'accord peuvent le signaler tout de suite, mais ils quitteront le gouvernement."

 

Laurent de Boissieu
La Croix, 10 novembre 2010

(1) Dernier ouvrage publié: Les légitimistes, de Chateaubriand à De Gaulle, La Table Ronde, 2006.

10 novembre 2010

Philippe Dechartre: le "gaullisme de gauche"

J'ai rédigé cette semaine dans La Croix deux portraits (pour la rubrique "Que sont-ils-devenus?") d'anciens ministres du général de Gaulle. Voici celui de Philippe Dechartre, publié mardi (dans La Croix de ce mercredi: Jean Charbonnel)

 

Le 30 mai 1944, De Gaulle lui ouvre les bras
Chef de la zone nord d'un mouvement de Résistance, Philippe Dechartre, pseudonyme de Jean Duprat-Geneau, est convoqué en 1944 à Alger par le général de Gaulle. Moment d'émotion pour le jeune homme de 25 ans lorsque s'ouvre la porte du bureau du Général, à la villa des Oliviers: "Je suis un peu interloqué. Je me dis: est-ce que c'est lui, est-ce que c'est moi, est-ce que je rêve, est-ce que nous sommes vraiment là tous les deux?" Finalement, d'un geste qui lui est familier, de Gaulle ouvre les bras et dit: "Alors, Dechartre, vivant?" Celui qui avait été peu de temps auparavant exfiltré du siège parisien de la Gestapo répond: "Oui, mon général, et grâce à vous."

 

"Vous me cueillez dans ma première semaine de retraite!", lance Philippe Dechartre, 91 ans, en recevant dans son chaleureux domicile parisien. Ancien ministre des gouvernements Pompidou, Couve de Murville puis Chaban-Delmas entre 1968 et 1972, Dechartre siégeait en effet depuis 1994 au Conseil économique et social, qui venait le jour même de renouveler ses membres. "Actuellement, je suis en train de ranger ces seize ans d'archives, soupire-t-il. C'est un travail lourd et fastidieux."Mais c'est surtout à la publication de ses mémoires que ses amis le pressent de s'atteler. "J'aime écrire, mais je le garde pour moi", explique-t-il. Avant de finalement concéder: "Si on me laissait en paix, je crois que je finirais par écrire un bouquin…"

Philippe Dechartre poursuit son "itinéraire d'un gaulliste de gauche", puisqu'il participe toujours aux travaux du Club Nouveau Siècle, mouvement associé à l'UMP qu'il a fondé en 2001 et dont il assure maintenant la présidence d'honneur. Un itinéraire qui l'a amené à côtoyer la quasi-totalité des présidents de la Ve République. Charles de Gaulle, bien entendu, qu'il a suivi du gaullisme de la Résistance au gaullisme politique, avec un passage par le mendésisme durant la "traversée du désert" du Général. Georges Pompidou, avec lequel il était "très lié" malgré la méfiance du successeur de De Gaulle envers les gaullistes sociaux. François Mitterrand, rencontré dès 1943 dans les mouvements de Résistance de prisonniers de guerre et déportés. Sans être exclu du RPR, Philippe Dechartre appela d'ailleurs au second tour de la présidentielle de 1981 à voter en faveur du candidat socialiste, qui lui proposa alors d'entrer au gouvernement. Ce qu'il refusa. "On aurait pensé que j'allais à la soupe, que j'avais la récompense de ma prise de position. Ça aurait été mauvais pour lui comme pour moi" commente-t-il. Jacques Chirac, ensuite, qu'il a soutenu à toutes les élections présidentielles, et dont il demeure un proche.

Nicolas Sarkozy, enfin. Au milieu des années 1970, ce dernier était même venu frapper à la porte du Mouvement pour le socialisme par la participation, dont Philippe Dechartre était alors le secrétaire général. Le jeune Nicolas Sarkozy lui exposa qu'il en avait "marre des hiérarques de l'UDR". Mais l'ancien ministre l'en dissuada: "Si tu adhères aux gaullistes de gauche, tu seras content de faire bouger beaucoup d'idées, mais ce n'est pas ça qui te mettra en faveur dans la course au pouvoir. Tu as de l'ambition: retourne à l'UDR, avale les couleuvres qu'on te fait avaler actuellement avant d'en faire avaler aux autres." Depuis, les deux hommes ont conservé des "relations cordiales mais sans plus", car le gaulliste de gauche "ne partage pas toutes les options politiques" de l'ancien porte-parole d'Édouard Balladur.

Ils se sont vus pour la dernière fois en juillet, notamment pour parler du renouvellement du Conseil économique, social et environnemental. "Il consulte, mais il ne suit pas les consultations", lâche le doyen sortant, regrettant qu'aucun de ses amis n'ait été nommé (contre huit sortants). Philippe Dechartre en a profité pour "lui dire ce qu'un gaulliste de gauche peut dire: sauver les banques, c'est bien, mais il faut aussi penser à ceux qui n'ont pas de pognon". Une thématique que cet humaniste a développée avec Bernard Reygrobellet, son successeur à la présidence du Club Nouveau Siècle, dans une "contribution au projet 2012 de la majorité présidentielle" (PDF).

"Dechartre, n'oubliez jamais que la seule finalité du progrès économique, c'est le progrès social", lui avait glissé à la Libération le général de Gaulle. Des propos que l'ancien Résistant a érigés en philosophie politique: "C'est le fil rouge du gaullisme de gauche auquel je reste aujourd'hui fidèle."

 

Laurent de Boissieu
La Croix, 09 novembre 2010