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07 septembre 2009

Bayrou passe à gauche

L'existence dans l'actuel paysage politique français d'un centre indépendant, à équidistance de la droite et de la gauche, aura finalement été de courte durée. Fini le temps où François Bayrou voulait incarner une troisième voie centriste, ni de droite ni de gauche, et appelait les Français à "apprendre à compter jusqu'à trois" (la droite, la gauche et le centre). "Il y a deux camps", a-t-il martelé, dimanche, dans son discours de clôture de l'université de rentrée du MoDem. "Il y a le camp de ceux qui signent pour que le régime actuel dure dix ans (2007-2017). Et il y a le camp de ceux qui choisissent une alternance pour une société plus juste".

"Deux camps" : voilà donc le centre indépendant qui rentre bien sagement dans le rang de la bipolarisation.

Revue de détail des stratégies successives essayées par François Bayrou depuis l'élection présidentielle de 2007.

 

Première stratégie : le centrisme "et et", consistant à conclure des alliances à géométrie variable, avec la droite ou avec la gauche en fonction des situations locales. Cette stratégie a été adoptée aux élections municipales de 2008, des élus MoDem participant, depuis, à des exécutifs municipaux dirigés par des maires UMP comme PS. Elle a toutefois été écartée dès le lendemain des municipales, même si, à l'écouter, c'est celle que François Bayrou comptait initialement tenir entre les deux présidentielles, aux municipales de 2008 comme aux régionales de 2010. "Dans un monde idéal j'aimerais que les élections locales n'aient qu'un enjeu local", a-t-il dit avec "regret" et "nostalgie". "Dans un monde idéal, et j'ai beaucoup fait pour ça, même si cela été très incompris, j'eusses aimé que les élections locales fassent naître des majoriéts locales, et je ne voyais aucune difficulté à ce qu'on puisse bâtir des majorités avec des gens d'étiquettes différentes. Mais je suis bien obligé de constater que nous ne vivons pas dans un monde idéal et que cette idée que je trouve juste, fondée, généreuse et novatrice n'a été comprise par personne".

Deuxième stratégie : l'extrême centre ou le centrisme "ni ni", consistant à renvoyer dos-à-dos la droite et la gauche. Cette stratégie est apparemment la stratégie post-municipales que François Bayrou comptait adopter pour les régionales : présenter partout des listes qui se maintiennent au second tour. Elle aurait permis à la fois au MoDem d'obtenir des élus régionaux et à François Bayrou de conserver, tout au moins jusqu'au premier tour de la présidentielle de 2012, un positionnement centriste, à équidistance de la droite et de la gauche. Même si, contrairement au centrisme "et et", le centrisme "ni ni" écartait a priori d'emblée les élus MoDem des exécutifs régionaux.

Au regard des 18,57% des suffrages exprimés obtenus par François Bayrou au premier tour de la présidentielle de 2007, cette stratégie d'extrême centre semblait jouable. Au regard des 8,46% obtenus aux élections européennes, elle devenait mortelle, puisqu'aux élections régionales il faut obtenir au moins 10% des suffrages exprimés pour pourvoir se maintenir au second tour. Ce qui, en projetant les résultats de juin dernier, n'aurait été possible que dans deux régions seulement (Basse-Normandie et Lorraine). Contrairement à ce que veut faire croire Le Nouveau Centre, c'est-à-dire les ex-UDF qui avaient refusé en 2007 de quitter la droite pour le centre, ce passage de François Bayrou à gauche aux régionales n'était donc pas planifié d'avance. Il n'est que la conséquence de la prise en compte de la nouvelle donne issue des européennes. Un "plan B" en quelque sorte.

 

Troisième stratégie, post-européennes : le passage à gauche, c'est-à-dire la participation au jeu d'alliance du bloc de gauche. Ce qui n'exclut pas de présenter des listes ou une candidature autonomes au premier tour des élections, le premier tour faisant office de primaire pour départager les différentes composantes des deux camps. "C'est à cela que sert le premier tour des élections, et notamment le premier tour des plus grandes élections", a insisté François Bayrou en lançant une "offre publique de dialogue" à travers la réunion d'un "parlement de l'alternance" afin de présenter "sujet par sujet" devant les Français les "convergences et les différences, et même les divergences irréductibles" entre "toutes les familles politiques qui veulent une alternance". Fin août, Marielle de Sarnez avait déjà préparé le terrain en participant aux travaux du courant du PS dirigé par Vincent Peillon. Autre avantage de cette idée : occuper le terrain médiatique avec ce "dialogue" au sein de l'opposition.

Il y a un an, dans son discours de Cap Estérel, le fondateur du MoDem avait déjà esquissé l'idée d'un rassemblement majoritaire de toutes les oppositions à Nicolas Sarkozy au second tour de la présidentielle. Avec, bien entendu, l'espoir que ce rassemblement se fasse derrière lui et non derrière le candidat PS... Mais ce qui était une stratégie pour François Bayrou dans l'entre deux tours de la présidentielle de 2012 est devenue par la force des choses une stratégie pour le MoDem dès les régionales de 2010.

Toute la finesse du jeu de François Bayrou ayant consisté, ce week-end, à amener le MoDem vers la gauche... tout en affirmant le contraire (seul changement revendiqué : il est question de "centre progressiste" et non plu seulement de "centre"). Car, de fait, dans un paysage politique bipolaire, à "deux camps" comme dit désormais François Bayrou, le camp opposé à la droite se nomme bel et bien la gauche*.

 

Laurent de Boissieu

pour http://www.ipolitique.fr

* petite anecdote : la phrase "nous ne devons pas avoir pour ambition d'être la béquille du PS comme l'UDF l'a été en son temps pour l'UMP", présente dans le discours écrit de Corinne Lepage, n'a finalement pas été prononcée à la tribune ...mais l'expression a été reprise par Christophe Ginisty. "Le sens du combat du MoDem est celui d'une troisième voie. Si c'est pour revenir à une deuxième voie et un système binaire, très franchement on peut se poser des questions", déclarait en outre Corinne Lepage samedi.

02 septembre 2009

La droite se met en ordre de bataille pour les élections régionales

Le Comité de liaison de la majorité présidentielle, installé le 30 juin dernier par François Fillon, se réunit aujourd'hui pour la première fois à l'Élysée en présence de Nicolas Sarkozy. À l'ordre du jour : la préparation des élections régionales de mars prochain, avec en ligne de mire la reconquête d'entre trois et neuf régions (au moins Champagne-Ardenne, Basse-Normandie et Pays de la Loire). La stratégie élyséenne repose sur deux idées fortes. D'une part, comme aux européennes, une campagne nationale courte : un "Blitzkrieg" (guerre éclair), dit-on dans l'entourage présidentiel. D'autre part, l'objectif de "dépasser partout les 30% au premier tour". Pour mémoire, au premier tour de la présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy avait obtenu 31,18%, tandis qu'au tour unique des européennes de juin dernier l'UMP avait obtenu 27,88%.

C'est pour atteindre cet objectif que le comité de liaison s'élargira à l'occasion de la réunion d'aujourd'hui. Jusqu'à présent, en étaient membres trois partis indépendants : l'UMP (Xavier Bertrand), le Nouveau Centre (Hervé Morin) et la Gauche moderne (Jean-Marie Bockel). Auxquels s'ajoutent deux partis associés à l'UMP : le Parti radical (Jean-Louis Borloo) et le Parti chrétien-démocrate (Christine Boutin). Un traitement de faveur est en outre accordé au club Les Progressistes d'Éric Besson (secrétaire général adjoint de l'UMP), seul mouvement de l'UMP présent en tant que tel, privilège dont ne bénéficient par exemple ni Le Chêne de Michèle Alliot-Marie ni Les Réformateurs d'Hervé Novelli et Gérard Longuet.

Participeront également cette fois à la réunion Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France (MPF), et, "en tant qu'observateur", Frédéric Nihous, président du parti Chasse Pêche Nature Traditions (CPNT). Contrairement à CPNT, la participation du MPF à l'union de la droite n'a rien d'inédit. Au second tour de la présidentielle, Philippe de Villiers avait ainsi invité "les Français à faire le choix de la droite et de Nicolas Sarkozy pour barrer la route à la gauche". Tandis que dans les deux régions où il a obtenu un score à deux chiffres aux européennes (Pays de la Loire et Poitou-Charentes), le MPF s'était déjà allié à l'UMP aux régionales de 2004.

La stratégie élyséenne n'exclut toutefois pas que l'une des composantes conduise au premier tour une liste autonome. En particulier le Nouveau Centre "là où le MoDem présente un bon candidat", explique un conseiller de Nicolas Sarkozy. "L'union sera pensée dès le départ. Peu importe qu'elle se réalise au premier ou au deuxième tour", avait théorisé Xavier Bertrand à l'issue de la première réunion du comité de liaison. Le parti d'Hervé Morin pourrait, par ailleurs, obtenir la tête de liste dans les régions où l'Élysée estime que le chef de file du Nouveau Centre dispose d'une meilleure notoriété que celui de l'UMP : Nord-Pas-de-Calais (Valérie Létard), Basse-Normandie (Philippe Augier) ou Bourgogne (François Sauvadet). Aux régionales de 2004, l'UMP et l'UDF avaient fait liste commune au premier tour dans six régions et listes séparées dans quinze. Parmi ces dernières, la fusion avait échoué entre les deux tours dans trois seulement (Bourgogne, Basse-Normandie, Franche-Comté). Paradoxalement, à l'époque, François Bayrou (aujourd'hui président du MoDem) avait fusionné en Aquitaine sa liste avec l'UMP, alors qu'en Bourgogne François Sauvadet (actuel président du groupe Nouveau Centre à l'Assemblée nationale) s'était retiré sans donner de consigne de vote.

 

Laurent de Boissieu

© La Croix, 02/09/2009

 

Ajout pour ce blog : certains ex-UDF (au MoDem ou au Nouveau Centre) poussent des cris d'orfraie devant la participation du président du Mouvement pour la France (MPF) au Comité de liaison de la majorité présidentielle. Or, je rappelle que :

- avant de créer son propre parti, en 1994, Philippe de Villiers était membre ...de l'UDF !

- aux élections égionales de 2004 en Poitou-Charentes, il y avait eu dès le premier tour une liste d'union de toute la droite (UMP-UDF-MPF); tandis qu'en Pays de la Loire, la liste UDF avait fusionné au second tour avec la liste UMP-MPF.

27 août 2009

Le fossé s'élargit entre le MoDem et le Nouveau Centre

II y a deux ans et demi, ils appartenaient au même parti : l'UDF. Aujourd'hui, le MoDem de François Bayrou et le Nouveau Centre d'Hervé Morin n'en finissent pas de s'éloigner l'un de l'autre. Le Nouveau Centre, dont l'université d'été s'ouvre demain à Agen (Lot-et-Garonne), appartient au comité de liaison de la majorité présidentielle et, s'il se proclame centriste, le jeu des alliances le positionne à la droite de l'échiquier politique, sur la case autrefois occupée par l'UDF. Le MoDem, qui tiendra son université de rentrée la semaine prochaine, se situe, lui, dans l'opposition, et semble osciller entre la renaissance d'un centre indépendant, à équidistance de la droite (UMP et alliés) et de la gauche (PS et alliés), ou la construction avec la gauche d'une "alternative" à Nicolas Sarkozy.

"Toute victoire électorale suppose des rassemblements" afin de réunir une "majorité", avait déjà insisté François Bayrou il y a un an. "Au second tour d'une élection présidentielle, il y a forcément un rassemblement très large", confirmait-il hier à l'AFP. Si la main tendue à la gauche était implicite en septembre 2008, elle est devenue explicite depuis la participation de Marielle de Sarnez, samedi dernier, aux ateliers d'été de L'Espoir à gauche, courant "royaliste" du PS animé par Vincent Peillon. "Ce qui nous rassemble est plus fort que ce qui nous oppose", a martelé la vice-présidente du MoDem en fustigeant le "jeu des alliances anciennes". Un autre vice-président du MoDem, Jean Peyrelevade, figure par ailleurs parmi les premiers signataires de l'appel à "une primaire populaire, ouverte au vote des sympathisants, afin que les citoyens de gauche et de progrès puissent choisir leur candidat à l'élection présidentielle". Publié hier dans Libération, ce texte se présente comme un "élément de la refondation de la gauche".

Aux élections municipales de mars 2008, le MoDem n'avait pas adopté de stratégie nationale, participant soit à des listes centristes indépendantes, soit à des alliances à géométrie variable, tantôt avec la droite, tantôt avec la gauche (dont Martine Aubry à Lille au second tour). Pour les élections régionales de 2010, François Bayrou a indiqué que son parti adopterait cette fois "une stratégie cohérente au niveau national". Si l'option de listes autonomes au premier tour semble l'emporter en interne, cela ne préjuge en rien de la stratégie qui sera adoptée entre les deux tours. Or, c'est ce choix qui déterminera le positionnement politique du MoDem (retour - improbable - au bloc de droite, ralliement au bloc de gauche ou maintien d'une troisième voie centriste).

Dans une élection à deux tours, les composantes des deux grands blocs d'alliance peuvent se compter au premier avant de se rassembler au second. Pour le prochain scrutin, tel est le choix opéré à gauche par les Verts, fort du succès des listes Europe Écologie aux européennes, ainsi que, peut-être, par le Nouveau Centre à droite. Le parti d'Hervé Morin et François Sauvadet, qui a déjà dévoilé les noms de ses chefs de file, hésite en effet au premier tour entre des listes d'union de la droite (comme aux élections européennes, scrutin à tour unique) ou des listes autonomes, partout ou dans quelques régions seulement.

Reste que, dans un paysage politique bipolarisé, le pari est risqué : aux régionales, il faut obtenir 5% des suffrages exprimés pour pouvoir fusionner et le double pour se maintenir ou, tout au moins, être en situation de force pour négocier des places. Or, aux dernières européennes, le MoDem n'a obtenu en moyenne nationale que 8,5%, ne dépassant le seuil des 10% que de justesse dans deux régions (Basse-Normandie, Lorraine). Tandis que le Nouveau Centre n'est jusqu'à présent jamais parti aux élections sous ses propres couleurs.

 

Laurent de Boissieu

© La Croix, 27/08/2009

01 juillet 2009

Résultats définitifs des élections européennes

Résultats des élections européennes :

  • % des inscrits
  • % national des suffrages exprimés
  • % des suffrages exprimés dans les seules circonscriptions où un parti ou un groupement politique s'est présenté

http://www.france-politique.fr/elections-europeennes-2009...

 

Les élections européennes depuis 1979 en France (mise à jour) :

http://www.france-politique.fr/resultats-elections-europe...

11 juin 2009

Tous les candidats élus ne siègeront pas

PE.jpgL'ensemble des candidats UMP avaient pris sept engagements "devant les Français". L'un d'eux ne souffre aucune ambiguïté : "Les candidats de la majorité présidentielle s'engagent à être présents au Parlement européen à Strasbourg et à Bruxelles." Cet engagement ne sera finalement pas tenu, puisque Brice Hortefeux, ministre du travail et des relations sociales, élu en troisième position dans la circonscription Massif central-Centre, devrait rester au gouvernement. "J'étais candidat à une place non éligible pour aider, pour accompagner, pour partager des convictions, et pas pour exercer une fonction, s'est défendu l'intéressé hier sur Europe 1. Si j'avais voulu exercer des responsabilités au Parlement, j'aurais été tête de liste."

Être candidat non pour aller siéger mais pour "tirer" une liste est effectivement une pratique maintes fois utilisée. Depuis les premières élections européennes au suffrage universel direct, quatre "élus" n'ont ainsi même pas participé à la séance constitutive du Parlement : François Mitterrand (PS), Jean-François Deniau (UDF) et Pierre Méhaignerie (UDF) en 1979, puis François Léotard (UDF) en 1989. Plus nombreux sont ceux qui sont allés siéger à Strasbourg... quelques mois. Huit ont démissionné l'année même de leur élection : en 1989, Alain Juppé (RPR), Michèle Barzach (RPR), Alain Madelin (UDF) et Claude Allègre (PS); en 1999, François Hollande (PS), Nicolas Sarkozy (RPR), Roger Karoutchi (RPR) et Philippe de Villiers (MPF).

La loi sur la parité en politique a par ailleurs déjà produit une candidature de paille. En 2004, la liste FN avait obtenu deux élus dans la circonscription Nord-Ouest : Carl Lang (sortant) et Chantal Simonot-Destouches. Cette dernière participa à la séance constitutive en juillet, mais renonça dès septembre, afin de laisser la place au parlementaire européen sortant Fernand Le Rachinel, non réélu.

Outre Brice Hortefeux, Jean-François Kahn a également annoncé qu'il n'irait pas siéger. Bien qu'ayant donné dans l'Est son meilleur score au MoDem, le fondateur de l'hebdomadaire Marianne a démissionné en faveur de sa deuxième de liste, l'eurodéputée sortante Nathalie Griesbeck, non réélue, estimant qu'il avait failli à sa mission d'obtenir au moins deux sièges pour sa liste.

Autre pratique, celle du "tourniquet". Elle consiste à démissionner collectivement au bout d'un certain temps, afin de laisser la place aux suivants de liste. Tel fut le cas des élus RPR un an après les européennes de 1979, dans le but de dévaluer l'importance du Parlement. Puis celui des Verts à mi-mandat au cours de la législature 1989-1994, au nom cette fois des principes d'égalité et de collégialité.

Enfin, si les candidatures multiples sont interdites en France depuis la campagne plébiscitaire du général Boulanger dans sept départements en 1888, elles sont en revanche autorisées pour les élections européennes en Italie. Silvio Berlusconi (Parti du peuple de la liberté), Umberto Bossi (Ligue du Nord), Luigi De Magistris et Antonio Di Pietro (Italie des valeurs) étaient ainsi candidats dans l'ensemble des cinq circonscriptions. Sans même avoir l'intention de siéger, en ce qui concerne le président du Conseil, Silvio Berlusconi, élu cinq fois. De quoi faire des jaloux.

 

Laurent de Boissieu

© La Croix, 10/06/2009