Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

08 septembre 2009

La droite, la gauche ...et le centre

Après mon article sur le passage à gauche de François Bayrou, quelques précisions...

 

Il existe deux théories du clivage droite-gauche.

 

La première théorie donne un contenu idéologique aux mots "droite" (François Goguel : "parti de l'ordre établi"), "gauche" (François Goguel : "parti du mouvement") et même "centre" (en quelque sorte, le "juste milieu").

 

La seconde théorie ne donne aucun contenu idéologique aux mots "droite", "centre" et "gauche", considérant qu'il ne s'agit que d'une position géométrique au sein d'une assemblée parlementaire élue sur un jeu d'alliances déterminé, fondé sur un ou des clivages variables dans le temps et dans l'espace (sur les clivages, voir les travaux de Seymour Martin Lipset and Stein Rokkan, véritables révélations dans ma formation intellectuelle). Telle est depuis bien longtemps ma vision des choses, postulat de mes analyses.

C'est ainsi que, globalement, au XIXe siècle les libéraux représentaient la gauche et les conservateurs la droite, tandis qu'au XXe siècle les socialistes représentaient la gauche et les libéraux la droite (quelques partis libéraux en Europe, bien que siégeant aujourd'hui à droite, continuent ainsi à s'intituler "parti de gauche").

Selon la première théorie, un libéral du XIXe siècle a pour héritier un socialiste du XXe siècle (incarnations successives du "parti du mouvement"). Selon la seconde théorie, un libéral du XIXe siècle a pour héritier un libéral du XXe siècle (filiation idéologique).

 

Sur l'évolution des familles idéologiques sur l'axe droite-gauche sous la IIIe République, voir ma brève synthèse : 

http://www.france-politique.fr/sinistrisme.htm

Ainsi que la composition de la Chambre des députés de 1871 à 1936 :

http://www.france-politique.fr/chambre-des-deputes.htm

 

Bref, revenons à François Bayrou.

Jusqu'en 2002, il est à droite.

En 2007, il est au centre.

En 2009, il sera - si son discours de ce week-end se confirme - à gauche.

Pour autant, cela ne signifie pas forcément qu'il ait changé idéologiquement. Cela signifie juste qu'il a successivemet changé de système d'alliances. Et, en passant du centre au pôle de gauche, ce n'est idéologiquement pas François Bayrou qui change, c'est la gauche qu'il change idéologiquement, ou plus exactement les équilibres internes de la gauche en renforçant sa composante social-libérale (PRG, une partie des Verts : Daniel Cohn-Bendit, une partie du PS : Vincent Peillon, Ségolène Royal, Manuel Valls, Dominique Strauss-Kahn, Bertrand Delanoë, Pierre Moscovici...).

07 septembre 2009

Bayrou passe à gauche

L'existence dans l'actuel paysage politique français d'un centre indépendant, à équidistance de la droite et de la gauche, aura finalement été de courte durée. Fini le temps où François Bayrou voulait incarner une troisième voie centriste, ni de droite ni de gauche, et appelait les Français à "apprendre à compter jusqu'à trois" (la droite, la gauche et le centre). "Il y a deux camps", a-t-il martelé, dimanche, dans son discours de clôture de l'université de rentrée du MoDem. "Il y a le camp de ceux qui signent pour que le régime actuel dure dix ans (2007-2017). Et il y a le camp de ceux qui choisissent une alternance pour une société plus juste".

"Deux camps" : voilà donc le centre indépendant qui rentre bien sagement dans le rang de la bipolarisation.

Revue de détail des stratégies successives essayées par François Bayrou depuis l'élection présidentielle de 2007.

 

Première stratégie : le centrisme "et et", consistant à conclure des alliances à géométrie variable, avec la droite ou avec la gauche en fonction des situations locales. Cette stratégie a été adoptée aux élections municipales de 2008, des élus MoDem participant, depuis, à des exécutifs municipaux dirigés par des maires UMP comme PS. Elle a toutefois été écartée dès le lendemain des municipales, même si, à l'écouter, c'est celle que François Bayrou comptait initialement tenir entre les deux présidentielles, aux municipales de 2008 comme aux régionales de 2010. "Dans un monde idéal j'aimerais que les élections locales n'aient qu'un enjeu local", a-t-il dit avec "regret" et "nostalgie". "Dans un monde idéal, et j'ai beaucoup fait pour ça, même si cela été très incompris, j'eusses aimé que les élections locales fassent naître des majoriéts locales, et je ne voyais aucune difficulté à ce qu'on puisse bâtir des majorités avec des gens d'étiquettes différentes. Mais je suis bien obligé de constater que nous ne vivons pas dans un monde idéal et que cette idée que je trouve juste, fondée, généreuse et novatrice n'a été comprise par personne".

Deuxième stratégie : l'extrême centre ou le centrisme "ni ni", consistant à renvoyer dos-à-dos la droite et la gauche. Cette stratégie est apparemment la stratégie post-municipales que François Bayrou comptait adopter pour les régionales : présenter partout des listes qui se maintiennent au second tour. Elle aurait permis à la fois au MoDem d'obtenir des élus régionaux et à François Bayrou de conserver, tout au moins jusqu'au premier tour de la présidentielle de 2012, un positionnement centriste, à équidistance de la droite et de la gauche. Même si, contrairement au centrisme "et et", le centrisme "ni ni" écartait a priori d'emblée les élus MoDem des exécutifs régionaux.

Au regard des 18,57% des suffrages exprimés obtenus par François Bayrou au premier tour de la présidentielle de 2007, cette stratégie d'extrême centre semblait jouable. Au regard des 8,46% obtenus aux élections européennes, elle devenait mortelle, puisqu'aux élections régionales il faut obtenir au moins 10% des suffrages exprimés pour pourvoir se maintenir au second tour. Ce qui, en projetant les résultats de juin dernier, n'aurait été possible que dans deux régions seulement (Basse-Normandie et Lorraine). Contrairement à ce que veut faire croire Le Nouveau Centre, c'est-à-dire les ex-UDF qui avaient refusé en 2007 de quitter la droite pour le centre, ce passage de François Bayrou à gauche aux régionales n'était donc pas planifié d'avance. Il n'est que la conséquence de la prise en compte de la nouvelle donne issue des européennes. Un "plan B" en quelque sorte.

 

Troisième stratégie, post-européennes : le passage à gauche, c'est-à-dire la participation au jeu d'alliance du bloc de gauche. Ce qui n'exclut pas de présenter des listes ou une candidature autonomes au premier tour des élections, le premier tour faisant office de primaire pour départager les différentes composantes des deux camps. "C'est à cela que sert le premier tour des élections, et notamment le premier tour des plus grandes élections", a insisté François Bayrou en lançant une "offre publique de dialogue" à travers la réunion d'un "parlement de l'alternance" afin de présenter "sujet par sujet" devant les Français les "convergences et les différences, et même les divergences irréductibles" entre "toutes les familles politiques qui veulent une alternance". Fin août, Marielle de Sarnez avait déjà préparé le terrain en participant aux travaux du courant du PS dirigé par Vincent Peillon. Autre avantage de cette idée : occuper le terrain médiatique avec ce "dialogue" au sein de l'opposition.

Il y a un an, dans son discours de Cap Estérel, le fondateur du MoDem avait déjà esquissé l'idée d'un rassemblement majoritaire de toutes les oppositions à Nicolas Sarkozy au second tour de la présidentielle. Avec, bien entendu, l'espoir que ce rassemblement se fasse derrière lui et non derrière le candidat PS... Mais ce qui était une stratégie pour François Bayrou dans l'entre deux tours de la présidentielle de 2012 est devenue par la force des choses une stratégie pour le MoDem dès les régionales de 2010.

Toute la finesse du jeu de François Bayrou ayant consisté, ce week-end, à amener le MoDem vers la gauche... tout en affirmant le contraire (seul changement revendiqué : il est question de "centre progressiste" et non plu seulement de "centre"). Car, de fait, dans un paysage politique bipolaire, à "deux camps" comme dit désormais François Bayrou, le camp opposé à la droite se nomme bel et bien la gauche*.

 

Laurent de Boissieu

pour http://www.ipolitique.fr

* petite anecdote : la phrase "nous ne devons pas avoir pour ambition d'être la béquille du PS comme l'UDF l'a été en son temps pour l'UMP", présente dans le discours écrit de Corinne Lepage, n'a finalement pas été prononcée à la tribune ...mais l'expression a été reprise par Christophe Ginisty. "Le sens du combat du MoDem est celui d'une troisième voie. Si c'est pour revenir à une deuxième voie et un système binaire, très franchement on peut se poser des questions", déclarait en outre Corinne Lepage samedi.

04 septembre 2009

Université de rentrée du MoDem

L'université de rentrée du MoDem s'ouvre aujourd'hui. Après la main tendue par Marielle de Sarnez au courant du PS animé par Vincent Peillon, François Bayrou est très attendu sur la stratégie de son parti aux élections régionales de 2010 :

- Listes autonomes au premier tour et maintien (lorsque c'est possible, sinon retrait sans fusion) au second tour : stratégie "extrême-centriste".

- Listes autonomes au premier tour et alliance avec la gauche (PS et Europe - Écologie) au second tour : stratégie Marielle de Sarnez ("Personnellement, je suis pour affirmer d'abord notre identité et notre autonomie, et participer ensuite à des rassemblements plus larges, car personne ne peut gouverner seul, pas plus une région qu'un pays", Le Parisien/Aujourd'hui en France, 30/08/2009).

- Alliance avec Europe - Écologie au premier tour et alliance avec le reste de la gauche au second tour : stratégie "orange et verte" de Corinne Lepage (RFI, 30/08/2009).

- Alliance avec le PS dès le premier tour : stratégie Jean-François Kahn de formation d'une "grande coalition" des oppositions à Nicolas Sarkozy face à la "grande coalition de droite" (France 2, 03/09/2009).

01 septembre 2009

Le centrisme de l'UDF, un mythe trompeur

Les débats entre le MoDem et le Nouveau Centre sont d'emblée faussés par un mythe : celui du positionnement de l'UDF au centre.

 

L'UDF giscardienne de 1978 est issue du regroupement, face au RPR, de deux pôles :

- la droite libérale giscardienne (ralliée en 1962 à la majorité parlementaire gaulliste);

- l'ancien centre d'opposition (une fraction ralliée en 1969 à la majorité présidentielle néogaulliste, l'autre fraction ralliée en 1974 à la majorité présidentielle giscardienne), principalement issu des familles démocrate-chrétienne et radicale.

 

La création de l'UDF symbolise précisément la bipolarisation de la vie politique française et la fin - jusqu'à la création du MoDem - du centre en France (le dernier avatar du centre étant à cette époque le Parti Socialiste Démocrate d'Éric Hintermann). Jusqu'à la rupture de François Bayrou avec la droite, l'UDF (y compris la "Nouvelle UDF" bayrouiste de 1998) est en effet un parti de centre droit, faisant parfois le choix de l'autonomie au premier tour mais participant systématiquement au rassemblement de la droite au second.

 

Or, aujourd'hui, ce positionnement qui était celui de l'UDF correspond très exactement à celui du Nouveau Centre.

À une différence près, aux conséquences politiques importantes : sa taille face à l'UMP. Si grosso modo l'UDF faisait le poids face au RPR, le Nouveau Centre ne fait plus le poids face à l'UMP. Ce qui réduit sa marge d'autonomie et risque de n'en faire qu'un satellite du parti dominant sur ce bord de l'échiquier politique. Les élections régionales de 2010 constituent donc un test pour la capacité d'autonomie du parti d'Hervé Morin et Jean-Christophe Lagarde...

31 août 2009

Le Nouveau Centre veut se réapproprier le nom UDF

Le même message a été martelé tout au long des universités d'été du Nouveau Centre, ce week-end, près d'Agen (Lot-et-Garonne) : "Le Nouveau Centre, c'est l'UDF d'aujourd'hui." Si le parti d'Hervé Morin et Jean-Christophe Lagarde a effectivement repris la place de l'UDF au centre droit de l'échiquier politique, il est encore loin de rassembler l'ensemble des ex-UDF ralliés à la majorité présidentielle de Nicolas Sarkozy. Certains sont inscrits au petit parti Alliance Centriste, créé en juin dernier par Jean Arthuis. D'autres sont toujours au MoDem de François Bayrou, bien que ce dernier appartienne à l'opposition : Michel Mercier, "en congé" seulement du parti depuis son entrée au gouvernement, ou Nicolas About, président du groupe sénatorial Union centriste.

Il n'en demeure pas moins que le rassemblement des "centristes" de la majorité avance petit à petit. En témoigne l'adhésion au Nouveau Centre, à l'occasion des élections européennes, de Jean-Marie Cavada, qui avait créé en janvier 2007 le parti Avenir Démocrate. En témoigne également la présence, ce week-end, de Jean Arthuis et Michel Mercier.

"Le temps est avec nous", a expliqué Hervé Morin dans son discours de clôture. Afin de bien faire passer le message, le président du Nouveau Centre a annoncé, ovationné par les militants debout, qu'il allait proposer au comité exécutif de son parti "d'examiner la possibilité" de se "réapproprier" le nom UDF. Juridiquement, la formation créée en 1978 par Valéry Giscard d'Estaing est devenue en décembre 2007 "membre fondateur du Mouvement démocrate auquel elle adhère pour une période transitoire de trois ans".

Pronostiquant un rapprochement du MoDem avec la gauche dès le premier tour des élections régionales, les dirigeants du Nouveau Centre se frottent les mains, espérant bien rallier sous une forme ou une autre, d'ici les élections sénatoriales de 2011, les derniers membres du MoDem qui se réclament du centre droit. Avec, notamment, la promesse de constituer un groupe politique du Nouveau Centre au Sénat, permettant ainsi au parti d'avoir un groupe dans les deux assemblées parlementaires.

En attendant, c'est la préparation des élections régionales de mars 2010 qui est à l'ordre du jour d'ici à la fin de l'année. Avec, sans doute, une stratégie à la carte, région par région, pour le premier tour : liste autonome ou liste d'union de la majorité. Le Nouveau Centre espère bien entendu la tête de liste dans certaines d'entre elles. Si aucun nom de région n'est officiellement avancé, en interne sont souvent cités les exemples du Nord-Pas-de-Calais (Valérie Létard), de la Basse-Normandie (Philippe Augier), de la Bourgogne (François Sauvadet) ou encore de Rhône-Alpes (Damien Abad). Le choix d'une liste autonome pourrait, à l'inverse, sembler logique dans les terres centristes historiques (Bretagne, Alsace...), tandis qu'André Santini estime posséder "une réelle légitimité" en Île-de-France après avoir obtenu 16,12 % au premier tour en 2004 (24,79 % pour l'UMP).

Ce n'est qu'après les élections régionales, qualifiées par Hervé Morin de "temps intermédiaire", que le Nouveau Centre espère s'élargir aux autres "centristes" de la majorité. Reste à en définir les modalités : confédération de partis – solution qui semble avoir la préférence de Jean Arthuis, dès les régionales – ou création d'un nouveau parti. Cette transformation pourrait s'inscrire dans le calendrier du Nouveau Centre, qui doit justement renouveler ses instances en mai 2010 et qui, depuis sa fondation, réfléchit à un changement de nom.

 

Laurent de Boissieu

© La Croix, 31/08/2009