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13 septembre 2010

"Roms" : la circulaire de la honte

Je suis apparemment un des rares blogueurs à soutenir le démantèlement des squats d'étrangers (ou de Français) et les reconduites dans leur pays d'origine des ressortissants roumains et bulgares (ou de toute autre nationalité) en situation irrégulière. Tout simplement parce qu'il s'agit de l'application du droit français et européen.

Je pestais même intérieurement contre mes confrères journalistes lorsque je les entendais parler de "chasse aux Roms" ou même de "politique à l'égard des Roms".

 

Mais voilà, la politique du gouvernement a pris un autre visage, qui n'est plus celui de la République, à travers la circulaire du ministère de l'Intérieur en date du 5 août 2010 et signée "pour le ministre et par délégation" par Michel Bart, directeur de cabinet de Brice Hortefeux.

Dans ce texte, il est notamment demandé aux préfets de zone - tableaux de bord joints à l'appui - "la réalisation minimale d'une opération importante par semaine (évacuation / démantèlement / reconduite), concernant prioritairement les Roms".

 

De nature selon moi à entraîner la démission du directeur de cabinet du ministre de l'Intérieur, cette circulaire est doublement honteuse :

- elle instaure une politique discriminatoire à l'encontre d'un supposé groupe ethnique particulier (les "Roms").

- elle sous-tend donc la reconnaissance en France de minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques (comme le demande, d'ailleurs, un rapport abject de l'ONU).

 

Tous les reproches d'organisations politiques ou humanitaires, religieuses ou laïques, nationales ou internationales, qui étaient injustifiés avant la révélation de cette circulaire, se justifient depuis - mais uniquement depuis - cette révélation.

Reste à savoir s'il ne s'agit que d'un dérapage individuel ou d'une tombée des masques sur la véritable nature de la politique gouvernementale...

30 août 2010

Des sondages sur les catholiques

La Croix a publié la semaine dernière un sondage sur l'opinion des catholiques en ce qui concerne, d'une part les expulsions de Roms en situation irrégulière, d'autre part la légitimité de la prise de position de l'Église catholique.

Ce blog étant totalement indépendant, ce billet, comme tous les autres, n'engage bien entendu que moi et aucunement mon journal. Mais je tiens à réagir à titre personnel aux billets de Koz et de Bernard Lecomte (ancien de La Croix) mettant en cause ce sondage.

 

1) En ce qui concerne la représentativité de l'échantillon

Même si ce sujet ne m'est pas totalement étranger, un journaliste doit bien à un moment faire confiance aux hommes de l'art lorsqu'il publie des données. Les instituts de sondage signalent d'ailleurs toujours d'un astérisque lorsqu'"en raison de la faiblesse des effectifs, les résultats sont à interpréter avec prudence". Or, dans ce sondage, la seule catégorie ainsi signalée est celle des "musulmans" : nous n'avons donc aucune raison de ne pas faire confiance à l'institut CSA sur la fiabilité des autres résultats.

 

2) En ce qui concerne la population catholique

Les sondeurs ne sondent ni les reins ni les cœurs, et la population catholique est forcément déclarative (comme toutes les autres variables, de l'âge à la profession en passant par la proximité partisane).

D'où l'intérêt du groupe des catholiques pratiquants (appartenance religieuse) par rapport au groupe des catholiques non pratiquants (sentiment d'appartenance culturelle). Si l'on ne regarde que le groupe des catholiques pratiquants réguliers (en quelque sorte les "vrais" cathos au sens religieux), les résultats du sondage ne sont plus exactement les mêmes :

  • 39% des catholiques pratiquants réguliers opposés aux expulsions – c'est toujours moins que l'ensemble des Français (42%) - effet âge -, mais c'est plus que les catholiques non pratiquants (34%)

  • 56% des catholiques pratiquants réguliers estiment que l'Église est dans son rôle – c'est cette fois beaucoup plus que l’ensemble des Français (40%) et que les catholiques non pratiquants (33%)

  • 40% des catholiques pratiquants réguliers estiment que l'Église n'est pas dans son rôle – beaucoup moins que l'ensemble des Français (53%) et que les catholiques non pratiquants (61%)

 

Que remarque-t-on ? Que l'opinion des catholiques pratiquants est plus proche de celle de l'ensemble des Français que de celle des catholiques non pratiquants. Pour avoir étudié plusieurs sondages électoraux autour de la variable religieuse, j'ai souvent remarqué ce phénomène. Dans un récent papier sur la popularité (en baisse) de Nicolas Sarkozy dans les milieux catholiques, je n'avais ainsi délibérément retenu dans mon analyse que la catégorie des catholiques pratiquants.

Mon intuition serait que le sentiment d'appartenance culturelle au catholicisme appartient à la panoplie de l'homme de droite voire très à droite, ce qui "fausse" les résultats par rapport aux catholiques religieusement parlant (les seuls catholiques au sens de Bernard Lecomte et Koz).

29 juillet 2010

Financement politique : l'exemple de Debout la République

Après avoir détaillé - en exclusivité - les flux financiers entre l'UMP et le PS respectivement avec les autres structures politiques, attardons-nous quelques instants sur l'exemple de Debout la République, parti représenté au Parlement (avec officiellement deux députés : Nicolas Dupont-Aignan et François-Xavier Villain) mais qui ne dispose pas du financement public.

 

Rappelons le contexte : Nicolas Dupont-Aignan, fondateur de Debout la République, est un des derniers fidèles du gaullisme originel, à la fois social et souverainiste. Comme Jean-Pierre Chevènement à gauche, sa stratégie a oscillé entre essayer de changer la droite de l'intérieure (Nicolas Dupont-Aignan a été candidat à la présidence de l'UMP en 2002 puis en 2004) ou incarner une alternative à la droite et à la gauche (il a tenté d'obtenir les parrainages nécessaires à sa candidature présidentielle en 2007, après avoir quitté l'UMP).

 

Aux élections législatives 2007, Debout la République a bien présenté plus de cinquante candidats mais n'a pas répondu au nouveau critère instauré en 2003 par le gouvernement Raffarin pour avoir droit au financement public : qu'ils obtiennent chacun au moins 1% des suffrages exprimés. Bref, Nicolas Dupont-Aignan s'est retrouvé député sans pouvoir faire bénéficier son parti de la fraction de financement public issue du rattachement annuel des parlementaires.

D'où l'idée de se rattacher à un parti politique bénéficiant de la première fraction et qui lui rétrocéderait les sommes issues de la seconde :

- pour 2008, Nicolas Dupont-Aignan s'est rattaché au Mouvement Écologiste Indépendant (MEI) d'Antoine Waechter (44.394€ de seconde fraction)

- pour 2009, Nicolas Dupont-Aignan ainsi qu'un autre député et un sénateur se sont rattachés au Rassemblement pour la Calédonie de Jacques Lafleur (133.477€ de seconde fraction)

- pour 2010, les parlementaires DLR se sont rattachés avec des divers droite à la structure Démocratie et République du sénateur de la Moselle Jean-Louis Masson. De fait, cette structure est aujourd'hui devenue la roue de secours pour le financement des activités politiques de parlementaires divers droite : pour 2008, 3 sénateurs s'y sont rattachés; pour 2009, 3 députés et 4 sénateurs; pour 2010, 5 députés et 4 sénateurs (en attendant pour 2011 les députés villepinistes prêts à rompre avec l'UMP ?).

 

Ce procédé est donc le seul moyen pour Debout la République de recevoir du financement public de ses parlementaires. Ce qui est vital, puisque cela constituait en 2008 (derniers comptes publiés) la première source de financement du parti :

- 40% de contributions reçues d'autres formations politiques (126.000€)

- 30% de dons de personnes physiques (94.615€)

- 19% de cotisations des adhérents (59.995€)

 

Il n'en reste pas moins que ce procédé parfaitement légal - qui a débuté fin 2004 avec le parti Le Trèfle d'Albert Lapeyre (alors membre de la direction de Debout la République) -  présente trois inconvénients :

- aucune garantie de rétrocession de la seconde fraction du financement public (sans compter que le parti "ami" peut réclamer au passage un pourcentage !)

- opacité la plus complète puisque - véritable scandale démocratique - le rattachement financier annuel des parlementaires est secret

- détournement de l'esprit de la loi sur le financement de la vie politique (le Nouveau Centre utilise d'ailleurs exactement le même procédé avec le Fetia Api) ...même si cette loi va justement selon moi à l'encontre du pluralisme politique

28 juillet 2010

Partis, clubs, "micro-partis" : lemonde.fr s'y perd !

lemonde.fr, qui a révélé un jour après moi que l'UMP finançait en 2008 les partis morts-vivants de Charles Pasqua et Charles Millon, a réalisé une très belle infographie comme je les aime (et comme je rêve de pouvoir en réaliser !) intitulée "Micropartis : qui finance qui à droite".

Outre quelques petites erreurs (le parti Nouveau Centre, c'est Hervé Morin et non François Sauvadet; le CNI en 2008, c'était Annick du Roscoät et non Gilles Bourdouleix, etc.) [erreurs corrigées après lecture de cette note par mon confrère], cette infographie comporte à mes yeux de grandes omissions, ce qui explique une différence entre le nombre de structures politiques financées par l'UMP selon lemonde.fr (14) et selon moi (37).

 

Cette différence provient d'une confusion, dont j'avais souligné le risque dès le 7 juillet dernier à la fin d'une note ("Qu'est-ce qu'un parti politique ?"), issue de l'utilisation du terme impropre et trompeur de "micro-parti" :

- un parti politique "réel" peut ne pas juridiquement être un parti politique (exemple : La Gauche Moderne de Jean-Marie Bockel avant l'agrément de son association de financement en février 2008)

- un parti politique au sens de la CNCCFP peut en revanche politiquement ne pas être un parti politique (exemple : Génération France.fr de Jean-François Copé ou l'Association de soutien à l'action d'Éric Woerth)

 

Sur cette  question, je vous renvoie à ma note du 26 juillet, dans laquelle je propose de distinguer :

- les partis politiques (la quasi-totalité sont juridiquement des partis politiques)
- les clubs politiques (certains sont juridiquement des partis politiques)
- les associations locales de soutien (utilisation de la forme juridique du parti politique afin de financer une activité politique locale)
- les pompes à fric (création juridique d'un parti politiquement inactif afin de contourner la loi sur le financement de la vie politique)

 

Or sur lemonde.fr mon confrère n'a analysé que les versements entre partis politiques au sens juridique, ce qui correspond certes à la réalité pour la CNCCFP, mais absolument pas à la réalité pour un journaliste politique.

 

Si on reprend la belle infographie publiée sur lemonde.fr, voici ce que j'aurais personnellement fait figurer en ce qui concerne les flux financiers sortants :

1) les partis politiques "réels", quelle que soit leur forme juridique :

- Nouveau Centre
- Gauche Moderne
- Mouvement Libéral et Modéré
- Centre National des Indépendants et Paysans 
- Forum des Républicains Sociaux (aujourd'hui : Parti Chrétien-démocrate)
- Parti Radical
- Rassemblement UMP : Nouvelle-Calédonie

2) les structures liées à des personnalités UMP ou apparentées UMP, quelle que soit leur forme juridique :

- Association pour la Réforme (Édouard Balladur)
- Dialogue & Initiative (Jean-Pierre Raffarin)
- Droite Libérale-Chrétienne (Charles Millon)
- Cercles Locaux Réformateurs (Hervé Novelli, Gérard Longuet) - dans ses comptes, l'UMP mentionne par erreur "Mouvement des Réformateurs"
- Rassemblement pour la France (Charles Pasqua)
- France.9 (François Fillon)
- Les Progressistes (Éric Besson)
- Club 89 (en 2008 : Jacques Toubon)
- Convention Démocrate (Hervé de Charette)
- Nouvelle République (Michel Barnier)

3) les associations locales de soutien utilisant la forme juridique d'un parti politique (qui pourraient en quelque sorte constituer les "micro-partis" ou "partis politiques locaux" au sens strict) :

- Association de soutien à l'action d'Éric Woerth
- Réussir ensemble en Périgord - dans ses comptes, l'UMP utilise encore l'ancien nom de l'association, Réussir ensemble en Dordogne Périgord
- Vivre l'Union ensemble à Saint-Mandé - Vincennes - Fontenay-sous-Bois
- Mouvement Libéral et Modéré

4) éventuellement, les mouvements thématiques :

- GayLib
- Association Nationale Judaïsme et Liberté
- Mouvement Initiative et Liberté (MIL)
- Club Nouveau Siècle
- Union Nationale Inter-Universitaire (UNI)

 

Bon, un volontaire pour me réaliser une belle infographie ? :)

PS et UMP : des relations financières différentes avec les "micro-partis"

Pas de jaloux ! après avoir publié hier en exclusivité la liste des 37 structures politiques financées par l'UMP, voici la publication inédite de l'ensemble des versements entre le PS et d'autres structures politiques :

 

1. Contributions reçues d'autres formations politiques en 2008 par le PS :

- La Volonté de Vivre Ensemble (20.050€) : ancienne association locale de Jean-Marie Bockel à Mulhouse

- Union des Socialistes pour Midi-Pyrénées (24.835€) : associaton locale des conseillers régionaux PS de la région

- Fédération PCF des Bouches-du-Rhône (42.400€)

- Les Verts de la Sarthe (2.600€)

 

2.1. Aides financières versées à d'autres formations politiques en 2008 par le PS :

- Parti Radical de Gauche - PRG (418.233€)

- Fédération PCF d'Indre-et-Loire (3.200€)

- Tävini Huira'atira no te Ao Mä'ohi - Front de libération de la Polynésie (40.000€) : Polynésie française (parti d'Oscar Temaru)

- Mouvement Populaire Franciscain (44.493€) : Martinique

2.2. Aides financières versées à d'autres organismes :

- L'OURS (90.000€)

- Internationale Socialiste (57.585€)

- Parti Socialiste Européen (95.950€)

- Fondation Jean Jaurès (50.000€)

 

***

Commentaire

 

Le contraste avec l'UMP est saisissant : le PS ne finance ni club de réflexion lié à une personnalité ou à un courant (ils sont pourtant statutairement reconnus) ni association locale. Cette différence de pratique entre la droite et la gauche rejoint le constat de ma consœur de Medipart, Mathilde Mathieu : Partis de poche: l'UMP très loin devant (accès réservé aux abonnés).

(on remarquera tout de même au passage que le PS finance en Polynésie française un parti indépendantiste...)