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04 mars 2007

François Bayrou veut créer un grand Parti démocrate

medium_bayrou.jpgÉlu à la présidence de la République, François Bayrou a annoncé qu'il créerait "un grand parti démocrate". Celui qui est actuellement président de l'UDF affirme par ailleurs qu'il nommerait "un gouvernement composé de femmes et d'hommes compétents, d'accord sur les grands choix, et représentatif des grandes sensibilités du pays". Pour les élections législatives, "ce gouvernement accordera un label ("majorité présidentielle") dans chaque circonscription aux candidats qui le soutiendront".

 

1. Que veut dire François Bayrou par "gouvernement de rassemblement" ?

 

En France, l'élection présidentielle est l'"élection reine". François Bayrou espère que sa qualification au second tour de la présidentielle puis son élection à la présidence de la République permettront de redessiner la paysage politique français.

Le "gouvernement de rassemblement" voulu par François Bayrou se distingue donc d'autres types de gouvernement, avec lesquels il est souvent confondu (François Bayrou lui-même hésitant sur la bonne formulation) :

  • gouvernement d'union nationale : face à des circonstances exceptionnelles menaçant la Nation, les partis mettent en sourdine leurs différences et acceptent de gouverner ensemble (Exemple : l'Union sacrée en France en 1914).
  • gouvernement de coalition : dans un régime parlementaire, des partis s'associent après les élections générales pour former une majorité parlementaire.
  • gouvernement de grande coalition : terme utilisé en Allemagne et en Autriche - deux régimes parlementaires - pour désigner les gouvernements formés par les deux partis à vocation majoritaire lorsqu'aucun des deux ne parvient, seul ou en coalition, à former après les élections générales une majorité parlementaire. Il s'agit d'une majorité par défaut, à laquelle le parti centriste ne participe pas. Transposée en France, la situation allemande donnerait une coalition entre l'UMP et le PS, mais sans l'UDF.

 

2. Quelle pourrait être la majorité de François Bayrou ?

 

Tout dépend de la configuration du second tour :

  • face à Ségolène Royal, François Bayrou apparaîtrait comme le candidat de la droite (avec le soutien de Nicolas Sarkozy) face au candidat de la gauche. Retour à la case départ pour l'UDF, qui retournerait alors au centre-droit, oubliant ses velléités centristes.
  • face à Nicolas Sarkozy, François Bayrou apparaîtrait comme le candidat du centre(-gauche) face au candidat de la droite. C'est dans cette hypothèse que tout serait possible en cas d'élection de François Bayrou...

 

3. François Bayrou peut-il attirer à lui une partie du PS ?

 

L'hypothèse, en cas d'élection de François Bayrou face à Nicolas Sarkozy, d'un gouvernement réunissant l'UDF et une partie du PS semble invraisemblable en raison de l'actuelle structuration du paysage politique français. Mais, si l'on s'intéresse aux idées et non plus aux structures, cette hypothèse semble tout à fait possible.

Dans la plupart de nos voisins européens, le clivage droite-gauche est une question de degré de libéralisme, avec une droite libérale-conservatrice et une gauche social-libérale. Les acteurs politiques rejetant le capitalisme libéral étant disqualifiés. Or, la différence entre le PS français et ses équivalents de gauche en Europe, c'est que le PS français est, pour moitié environ (le clivage apparu lors des débats sur la Constitution européenne est révélateur à ce sujet), composé de militants qui rejettent la capitalisme libéral. Le SPD allemand a longtemps été dans une situation similaire, mais le départ des keynésiens, derrière Oskar lafontaine, a clarifié la situation.

Imaginer que l'UDF et une partie du PS (qui éclaterait alors) converge sur une ligne social-libérale au sein d'un même gouvernement n'aurait donc rien de politiquement incohérent. La création, dans le perspective des élections législatives, d'un nouveau "parti démocrate" n'en serait ensuite que la conséquence logique. À l'image de la création de l'UMP, entre l'élection présidentielle et les élections législatives de 2002.

27 février 2007

Nicolas Sarkozy et François Bayrou recrutent à gauche

François Bayrou imagine depuis longtemps une majorité avec « des gens venus de la gauche, du centre et de la droite ». Même Nicolas Sarkozy, qui a pourtant bâti sa carrière politique sur l’affirmation d’une « droite décomplexée », parle désormais d’« ouverture ». Pour l’un comme pour l’autre, l’heure est donc au rassemblement au-delà du clivage droite-gauche. Traumatisme du 21 avril 2002 oblige, Ségolène Royal, elle, est plus en retrait sur cette question et s’est, jusque-là, surtout préoccupée de réunir la gauche. Au-delà du PS, elle est ainsi soutenue par le Parti radical de gauche (PRG), le Mouvement républicain et citoyen (MRC) chevènementiste ainsi que par Aurélie Filippetti, ancienne porte-parole des Verts à Paris.

Dans une tribune publiée hier dans Libération, François Bayrou a, lui, reçu le soutien de trente hauts fonctionnaires « socialistes et Français de gauche », réunis dans un collectif appelé « Spartacus ». « Pour les électeurs de gauche, le véritable vote utile pour faire barrage à Nicolas Sarkozy, c’est François Bayrou, écrivent-ils. Lui seul sera en mesure de battre le candidat UMP au second tour de la présidentielle. » Pour le reste, le filet du président de l’UDF n’est pour l’instant pas très rempli. À gauche, il a séduit Jean Peyrelevade , ancien directeur adjoint du cabinet de Pierre Mauroy à Matignon, et le journaliste « anti-pensée unique » Jean-François Kahn, fondateur de l’hebdomadaire Marianne. À droite, il a reçu le soutien de l’ancien parlementaire européen souverainiste William Abitbol, ex-bras droit de Charles Pasqua, ayant soutenu Jean-Pierre Chevènement en 2002.

Pour soutenir Nicolas Sarkozy, un club de « sarkozystes de gauche » s’est même créé : « La Diagonale ». On y trouve d’anciens membres du PS (Patrick Rajoelina, Philippe Sauvannet), le directeur délégué de l’Espace Pierre Cardin, Nicolas Laugero, et le docteur Véronique Vasseur, ancienne médecin-chef de la maison d’arrêt de la Santé. Du côté des politiques, les « sarkozystes » misent, à terme, sur le ralliement de personnalités de gauche comme les anciens ministres Bernard Tapie (PRG) et Georgina Dufoix (PS), l'ancien conseiller de François Mitterrand Jacques Attali, le sénateur du Haut-Rhin Jean-Marie Bockel (PS), ou encore le parlementaire européen Paul Vergès, du Parti communiste réunionnais.

Au centre, Nicolas Sarkozy bénéficie déjà du renfort de l’ancien rocardien Christian Blanc, député apparenté UDF, et d’une poignée d’élus UDF, la plupart dans les Hauts-de-Seine : le député Pierre-Christophe Baguet (exclu, depuis, du groupe UDF), la sénatrice de la Loire-Atlantique Gisèle Gautier (ralliée, depuis, au groupe UMP), le maire de Meudon, Hervé Marseille, et, surtout, le député et maire d’Issy-les-Moulineaux, André Santini.

En ce qui concerne les intellectuels de gauche, le filet de Nicolas Sarkozy est déjà bien rempli. Avec, d’un côté, ceux qui, souvent qualifiés de « néoconservateurs français », étaient favorables à la guerre en Irak et écrivent dans la revue Le Meilleur des Mondes : Pascal Bruckner, André Glucksmann et Marc Weitzmann. Et, de l’autre, l’ancien ministre et écrivain Max Gallo, ex-bras droit de Jean-Pierre Chevènement. Enfin, sur la même ligne « nationale-républicaine » que Max Gallo, Nicolas Sarkozy a embauché comme plume Henri Guaino, ex-séguiniste et ancien Commissaire général au Plan « anti-pensée unique ».

 

Laurent de Boissieu

© La Croix, 23/02/2007

26 février 2007

Bayrou monte lorsque Chevènement descendait

Devant ses proches, ne comparez surtout pas l’actuelle montée de François Bayrou dans les enquêtes d’opinion à celle de Jean-Pierre Chevènement en 2002. Ils vous expliqueront, d’abord, que le discours de Jean-Pierre Chevènement était « ni de droite ni de gauche », tandis que celui de leur champion est « et de droite et de gauche ». Puis, que les rythmes des deux ascensions, à cinq ans d’intervalle, ne sont pas les mêmes. Entre septembre et décembre 2005, François Bayrou a oscillé, pour l’institut CSA et la Sofres, entre 6 et 8% d’intentions de vote. Mais depuis le début de l’année, il ne cesse de progresser pour l’institut CSA : 6% (3 janvier), 9% (17 janvier), 12% (31 janvier), 13% (14-15 février), 17% (20 février). La même progression était visible pour la Sofres, de 9% (18 janvier) à 13% (1er février), même si, dans le dernier sondage de cet institut (15 février), le président de l’UDF marque le pas avec 12% d’intentions de vote.

À la dernière élection présidentielle, la percée de Jean-Pierre Chevènement s’est opérée plus tôt : dès l’été 2001. Et c’est en octobre que l’ancien ministre de l’intérieur de Lionel Jospin a revêtu les habits de « troisième homme ». Entre septembre 2001 et janvier 2002, il est ensuite resté relativement stable pour la Sofres (8-9%), l’institut CSA (9-11%) et l’Ifop (10-11%). C’est alors que Jean-Pierre Chevènement atteint son apogée : 11% pour la Sofres (2 février), 13% pour l’Ifop (8 février), 14% pour l’institut CSA (30 janvier). Fin février, il commence à baisser. À partir de mars, sa candidature se stabilise à un niveau inférieur à ses intentions de vote précédentes, aussi bien pour la Sofres (6-8%), que pour l’institut CSA (7-9%) et l’Ifop (8-10%). Finalement, le candidat du Pôle républicain obtiendra 5,33% des suffrages exprimés.

Il apparaît alors que la période qui s’étale de la fin février à début mars soit particulièrement importante dans une campagne présidentielle. C’est en effet à ce moment-là que non seulement Jean-Pierre Chevènement avait dévissé en 2002, mais également que Jacques Chirac et Lionel Jospin étaient passés devant Édouard Balladur en 1995. Pour la Sofres, entre le 9 février et le 9 mars 2002, Édouard Balladur avait ainsi dégringolé de 28 à 20% des intentions de vote tandis que celles en faveur de Jacques Chirac grimpaient de 17,5 à 24%. De son côté, Lionel Jospin se maintenait entre 21 et 24%. Même phénomène pour l’Ifop : entre le 10 février et le 3 mars, Jacques Chirac passait de 17 à 24%, devançant pour la première fois ses deux rivaux.

Le précédent de 1974 oblige néanmoins à une certaine prudence jusqu’à l’ultime mois de campagne électorale. Dans l’enquête Sofres du 9 avril 1974, un seul point d’écart séparait le gaulliste Jacques Chaban-Delmas (26%) et le libéral Valéry Giscard d’Estaing (27%), qui se disputaient la qualification au second tour face à François Mitterrand. L’écart s’est ensuite creusé progressivement : deux points le 16 avril, quatre points le 22 avril. Puis quatorze points le 30 avril : 17% en faveur de Jacques Chaban-Delmas et 31% pour Valéry Giscard d’Estaing. Finalement, le 5 mai 1974, le premier obtiendra 15,11% et le futur président 32,6%. Enfin, l’expérience du 21 avril 2002, avec la qualification inattendue de Jean-Marie Le Pen pour le second tour, incite à ne jamais préjuger du vote des Français.

 

Laurent de Boissieu

© La Croix, 26/02/2007

01 février 2007

communautarisme

Sur proposition de Nicolas Sakozy, le conseil des ministres du mercredi 31 janvier 2007 a procédé à la nomination de Pierre N’Gahane comme préfet délégué pour l'égalité des chances auprès du préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

L'UMP s'est félicité de cette nomination par un communiqué. Signé ni de sa déléguée générale à la "diversité" ni de son secrétaire national aux "relations avec les associations des Français issus de l'immigration", mais de sa secrétaire nationale à la francophonie : Rama Yade. Pourquoi ? Par ce que l'un et l'autre sont "d'origine africaine", peut-on comprendre en lisant ledit communiqué. So What ? Voilà qui relève d'une vision communautariste bien anti-républicaine...

Une vision qui grangrène la France, comme le montre également le sondage que vient de réaliser la SOFRES sur "les populations noires de France" à la demande du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN). Comme s'il existait une communauté noire (ou blanche ou jaune ou de roux, de bruns, de blonds, de chauves). Quoi de commun entre la vie des immigrés d'origine africaine et la vie des Martiniquais, Français depuis bien plus longtemps que les Savoyards ? Les présupposés racialistes ont malheureusement la vie dure...

Je rappelle d'ailleurs qu'une procédure judiciaire a été judicieusement ouverte en décembre afin d'obtenir la dissolution du CRAN, en tant qu'association "fondée sur un critère ouvertement racial et donc illicite selon la loi de 1901".

15 janvier 2007

Que pense vraiment Nicolas Sarkozy ?

Surprise ! Seul candidat, Nicolas Sarkozy a obtenu 100% des suffrages exprimés des adhérents de l'UMP. Mais ne le blâmons pas. Blâmons plutôt ceux qui ont renoncé à présenter leur candidature face à lui...

On peut en revanche légitimement s'interroger, alors que la droite est prompt à dénoncer le manque de convictions de Ségolène Royal, sur la force des convictions de Nicolas Sarkozy. Trois exemples issus de son discours d'entrée en campagne, hier, Porte de Versailles à Paris.

 

1. Communautarisme et discrimination positive

1. 1. Le 20 novembre 2003, lors de l'émission "100 minutes pour convaincre" sur France 2, Nicolas Sarkozy a mis en avant le concept de discrimination positive fondée sur la religion en parlant de "hauts fonctionnaires musulmans" et de "préfet musulman".

Dans son livre publié en 2004 (La République, les religions, l'espérance, Cerf), la discrimination positive n'est plus fondée sur la religion mais sur l'origine : "Dans une République, les droits des citoyens ne sauraient varier en fonction de l'ancienneté de l'installation. En période de rattrapage, il peut y avoir des aménagements".

Le 13 février 2006, sur RMC, le ministre de l'intérieur répond positivement à la question de savoir s'il convient de "faire apparaître l'origine ethnique des délinquants dans les statistiques de la police". Dans son livre publié en 2006 (Témoignage, XO Éditions), il regrette également que "nos statistiques ne connaissent que deux catégories de personnes : les françaises et les étrangères" et qu'il soit "interdit en France de calculer le nombre de Français d'origine maghrébine, d'origine turque, d'origine chinoise, le nombre de Français noirs". Dans le même ouvrage, Nicolas Sarkozy explique qu'il a voulu appliquer la discrimination positive en souhaitant "la nomination d'un préfet musulman, et, plus tard, de personnes issues de l'immigration ou originaires d'outre-mer pour les préfets à l'égalité des chances dont les postes ont été créés après la crise des banlieues à l'automne 2005".

Dans Le Parisien du 20 octobre 2006, la discrimination positive n'est ainsi plus fondée ni sur la religion ni sur l'origine mais sur la couleur de la peau : "Les administrations sont obligées par la loi d'avoir 6% de leurs collaborateurs avec un handicap. Qu'est-ce que c'est, sinon un quota ? J'aimerais qu'on me dise pourquoi il serait normal de faire de la discrimination positive pour les femmes ou les handicapés, et pourquoi ce serait anormal pour les compatriotes de couleur".

1. 2. Parallèlement, le même Nicolas Sarkozy se contredit :

"La tentation du communautarisme menace d’enfermer chacun dans ses origines, sa religion et sa couleur de peau" (Agen, 22 juin 2006)

"Je refuse le communautarisme qui réduit l'homme à sa seule identité visible" (Paris, 14 janvier 2007)

 

2. Relations transatlantiques

2. 1. Dans le contexte de sa visite aux États-Unis (entretien dans Le Monde daté du 11 septembre 2006, discours du 12 septembre 2006 à Washington, entretien dans la revue Le Meilleur des Mondes), Nicolas Sarkozy a remis en cause la position de la France au Conseil de sécurité de l'ONU lors de la crise irakienne, en 2003. Le reproche de "la menace de l'utilisation de notre droit de veto" était déjà présente dans le livre publié en 2006 par "Sarkozy l'Américain" (l'expression est du spécialiste des relations internationales Dominique Moïsi).

2. 2. Dans le contexte de sa campagne électorale, le même Nicolas Sarkozy a rendu "hommage à Jacques Chirac, qui a fait honneur à la France quand il s’est opposé à la guerre en Irak, qui était une faute".

 

3. Institutions

3. 1. Lors de ses vœux à la presse du 12 janvier 2006 puis lors de la convention de l'UMP sur les institutions (5 avril 2006), Nicolas Sarkozy a souhaité une importante révision constitutionnelle afin que ce soit le président de la République, et non plus le premier ministre, qui détermine et conduise la politique de la Nation. Raillant ensuite, à l'occasion des forums de l'UMP, la conception gaulliste de la fonction présidentielle ("le président de la République n'est pas un arbitre au-dessus des partis, qui marche sur les eaux parce qu'il a été élu").

3. 2. Lors de son disours d'entrée en campagne, le même Nicolas Sarkozy tranche la question institutionnelle dans un sens opposé : "Notre démocratie n’a pas besoin d'une nouvelle révolution constitutionnelle. On change trop notre Constitution. Il faut arrêter de dire qu'elle est bonne et proposer tous les trimestres une nouvelle modification.*"

 

* allusion aux trois révisions constitutionnelles programmées par Jacques Chirac avant l'élection présidentielle